Ours blanc de saison

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Personne ne contestera que la saison est à L'Ours blanc, une élégante revue toute de discrétion et de mystère.

Parfaitement glabre malgré le froid, elle se présente dans une maquette nature sous la forme d'un cahier agrafé de 24 à 32 pages au format 19/12,5 cm, ce qui lui offre une prise en main et un encombrement idéaux, ainsi qu'une souplesse de nature à provoquer le plaisir et l'adhésion du lecteur charmé.

Comptez encore sur un design graphique qui confine à la suprême élégance — mais on sait les éditions Héros-limite calées dans ses matières, cf. sa collection Tutta Blu) et la gracieuse revue achève de se classer parmi les objets que l'on ne peut pas s'empêcher de désirer posséder.

Si l'on parle de ses sommaires, enfin, qui répondent à un principe simple et efficace — une intervention par livraison — on continue de s'extasier parce que la surprise est permanente. Lancée à l'automne 2014, elle a déjà donné beaucoup de textes très variés — c'est son principe de fonctionnement, l'ouverture à 360 degrés — comme le montre la liste qui suit :
1, Christophe Rey, Bed and Breakfast à Vancouver
2, Charles Reznikoff, D’abord, il y a la nécessité
3, Marie-Luce Ruffieux, Dégâts magiques supplémentaires
4, numéro non diffusé
5, Johana Blanc, Partition pour ensemble grimaçant
6, Edoardo Sanguineti, Laborintus II
7, Chloé Berthet, Ma ménagerie
8, Nelly Maurel, Fatiguer la réponse, reposer la question
9, Fabienne Raphoz, Parade au paradis (des paradisiers)
10, Bénédicte Vilgrain, Introduction à chou
11. Jack Spicer, Les papier d'Oliver Charming (trad. Eric Suchère)
12. Carla Demierre, Les vivants à l'abri
13. David Lespiau, Carabine souple
et... 14. Jérôme David, Faire la fête avec un seul confetti. Sur un haïku de Bashô

C'est avec cette dernière livraison que les Alamblogonautes font connaissance avec L'Ours blanc — qui n'a rien à voir, on l'a compris, avec L'Ours d'Henri Béraud, qui semait la terreur dans la région lyonnaise au début des années 1910... Jérôme David a choisi d'y faire la fête avec un seul confetti. On voit le minimaliste !
Il nous parle de la traduction des haïkaïs (haïkus, hokkus), de rapports aux mots, de glissements et d'affleurements du sens, de logiques de traduction, de l'influence des époques, c'est passionnant.

Ce qui est formidable avec L'Ours blanc, c'est que la variété et l'inattendu : la livraison précédente proposait un très beau poème de David Lespiau, et le numéro précédent une photographie, souvenir d'un récit de voyage au Portugal. Les deux et troisième de couverture sont alors des miroirs où le lecteur qui se découvre prend conscience qu'il est question de lui aussi à propos de ce "fort iconique"...

Très vite, en s'acheminant de numéro en numéro, on devine combien cette revue est nécessaire. Loin des publications un peu vaines qui servent à meubler l'espace éditorial, on sent que l'on est avec cet Ours subtil au contact d'une forte charge de nécessité. Il semble bien que ce lieu exquis de vagabondages et d'émerveillements est le dépôt précieux où se déposent les projets qu'un éditeur de livres ne peut publier. Au lieu de subir d'intenses frustrations de bibliopole, il a inventé le réceptacle de ses admirations.
On comprend mieux désormais pourquoi L'Ours blanc est bel et bien une revue à laquelle on s'abonne.
Le tarif est, notez-le, celui d'une poignée de queues de cerises, fruit d'une autre saison il est vrai.
Isolé comme il l'est sur son île, on ne vous cache pas que le Préfet maritime s'est empressé de s'abonner pour ne rien rater... (1)


L'Ours blanc (hiver 2016)
32 pages, 5 €
L’Ours Blanc, case postale 52, 1211 Genève 4



(1) Comme il est abonné à Brèves, Europe, Plein Chant, Regard et La Revue des Revues. Il est bon de soutenir les revues que l'on aime : elles nous le rendent bien.

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