"Je n'ai pas introduit la bêtise dans la famille ; elle y était avant moi."
Quel bel incipit !
Puisqu'il est apparemment de saison, l'imbécillité étant devenu un vêtement à la mode, nous rendons ici hommage à celui qui l'endossa avec brio et ironie en un siècle positiviste dont il appréciait les lumières — notez que ça n'est pas le cas de tous nos contemporains qui s'accaparement l'imbécillité ou lui tressent vainement des lauriers.
Un sujet dont nous allons avoir la possibilité de parler durant quelques années.
Eugène Noël (1816-1899) était un homme de lettres dont une partie de la jeunesse bouillante se déroula à Paris. Il devint sage directeur de la Bibliothèque municipale de Rouen, un poste qu'il occupa de 1879 à 1897. Ses Mémoires d'un imbécile (Germer-Baillière, 1875) proposaient, pardonnez du peu, une préface d'Emile Littré... Il fut réédité en plein vogue populiste par Larousse en 1923. Depuis plus rien. A croire que le génie nous a nimbé depuis...
Nous aurons l'occasion de parler à nouveau d'Eugène Noël, l'ami de MIchelet et d'Elisée Reclus.
Eugène Noël Mémoires d'un imbécile. — Paris, Germer-Baillière, 1875.
1 De jérôme DELCLOS -
Le petit essai sur La bêtise de Musil (Allia) est lui aussi intéressant. Mais entre "imbécillité", "bêtise", "sottise", "idiotie" (par exemple le traité de Rosset), on s'y perd (on en reste bête). L'imbecillitas latine, comme la débilité, est toujours plus ou moins le signe d'une faiblesse, l'idiot lui est particulier. Mais la bêtise ? Belle phrase de Sartre (je ne sais plus où) : "La bêtise, c'est l'intelligence qui se prend pour une chose". Comprendre : qui veut faire l'intelligent fait...la bête. Au fond c'est peut-être ça, le truc : pas de pire imbéciles que ceux qui se prennent au sérieux et font les pédants. Pour exemple : Onfray, Finkielkraut (si l'imbécile n'existe qu'incarné).