Même déception qu'hier : encore un joli sujet mal torché.
Avec un nom qui sonne comme un pseudonyme, Giorgio Van Straten, directeur d'institutions culturelles — c'est un métier — vient de publier un recueil intitulé Le Livre des livres perdus. Eh bien...
Il est facile de se persuader que le titre n'est pas le bon puisqu'il s'agit d'un livre racontant l'histoire de huit pertes de textes, et non pas de livres, mais de manuscrits. Il s'agit donc plus certainement d'Un livre à propos de quelques manuscrits disparus. L'aimable promenade de Giorgio Van Straten ne peut donc pas prétendre incarner LE livre définitif sur la question.
Ca a tout de suite une autre allure, forcément. C'est moins vendeur, moins péremptoire mais pas plus nourrissant qu'un livre de l'Argentin qui se prend pour Borgès. L'opus de Van Straten en prend une allonge plus modeste, mais ça convient mieux à ce livre écrit sans efforts, sans périodes inoubliables non plus, un peu badin mais pas trop, un peu mondain, un peu inutile. En somme, on sort déçu de cette lecture qui nous répète sans faconde ce que nous savions déjà des écrits perdus de Bruno Schulz, de Sylvia Plath, de Gogol ou d'Ernest Hemingway.
Après le livre d'un autre Argentin, Fernando Báez (1), très partiel malgré son titre, mais finalement beaucoup plus riche que celui-ci, on en vient à espérer qu'un Luciano Canfora se consacre correctement au sujet un jour, puisqu'Eco, malheureusement...
Mais soyons justes : une surprise figure en tête de l'ouvrage. Giorgio Van Straten nous y parle de l’Italien Romano Bilenchi (1909-1989), un écrivain qu’il a connu personnellement. Et on va voir que cela change tout, et dans la teneur des pages et dans l'intensité de l'émotion. La veuve de Bilenchi a fait disparaître un roman inachevé. Voilà du nourrissant. Enfin du vécu ! C'est ce qu'on espérait. On court voir ses écrits.
Giorgio van Straten Le livre des livres perdus (traduit par Marguerite Pozzoli, Actes Sud, 176 pages, 18 €)
Romano Bilenchi Récits (Anna e Bruno e altri racconti), trad. Maddy Buysse, Gallimard, 1969.
Anna et Bruno (Anna e Bruno), nouvelle, trad. Marie-José Tramuta, Les Bilingues de Babel, 1995.
Les Années impossibles. Traduit par Marie-José Tramuta. Préface de Mario Luzi. — Verdier, 1994, 192 pages, 14,70 €
(1) Histoire universelle de la Destruction des livres. — Paris, Fayard, 2008, 527 p., 2! € Dans cet essai, l'"Universel" du titre renvoie essentiellement à une zone correspondant aux seules tablettes de Summer et à la guerre d'Irak comme support de réflexion sur la biblioclastie.
1 De pozzoli -
J'ai du mal à saisir le sous entendu un peu perfide quand vous dites "c'est un métier". Oui, cela peut en être un. Et alors ? Et "van Straten", je peux vous l'assurer malgré vos préventions, n'est pas un pseudonyme. C'est un nom d'origine néerlandaise, tout simplement. Que vous traitiez ce livre avec désinvolture et mépris ("c'est mal torché"), un mépris auquel votre propre pseudonyme vous autorise allègrement, passe encore ; mais au moins, n'allez pas chercher des arguments d'une telle pauvreté.
Marguerite Pozzoli, traductrice et co-éditrice de ce livre, qu'elle a choisi et dont elle estime l'auteur à sa juste valeur. Un livre écrit sans prétention, avec finesse et justesse; un voyage qui invite à la nostalgie et peut-être pour certains, à la curiosité - une qualité essentielle.
2 De Le Préfet maritime -
Chère Madame,
Pour commencer je crois que vous voyez de la perfidie où il n'y en a pas. Et si vous ne parvenez pas à concevoir ce que la remarque à propos du métier de "directeur d'institutions culturelles" a de rapport avec le fond de ma critique, je pense que beaucoup ne s'y sont pas trompés. Quand à la "suspicion de pseudonymie" que vous pensez infâmante sous ma plume, vous allez rire : je suis un gros consommateur de pseudonymes moi-même.
Soyez assurée que mon propre pseudonyme n'en est un que pour ceux que cela n'intéresse pas. Que cela reste ainsi.
Je constate ensuite que vous vous gardez bien d'attaquer sur le fond de mon propos. Que je réitère : le livre m'a paru un peu inutile, grâcieux peut-être mais mondain (d'où la sortie sur le "métier", capisce ?), grâcieux, mais... inutile (sauf à propos de Bilenchi bien sûr, ce que je souligne nettement). Voyez-vous un problème à ce que j'exprime une position personnelle ?
Par ailleurs, et pour finir, un conseil : quand vous passez à la critique, tâchez de respecter les propos d'autrui : je n'ai pas écrit "c'est mal torché", mais textuellement évoqué un "joli sujet mal torché". Je suppose que vous avez réagi sur le coup de l'émotion et ne vous en veux pas du tout, mais reconnaissez que cela n'a rien à voir.
Etc.
Le Préfet maritime