La pince-sans-rire et les vieilles filles

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Rien ne sert de s'armer contre leur charme, les Anglaises nous emballent à tous les coups. Lorsqu'ils ont de l'humour, les Anglais aussi d'ailleurs. Mais les Anglaises, et en particulier celles de Barbara Pym, ont quelque chose de si violemment subtil - comment dire autrement - qu'on en reste interdit.
Attachés à ne pas se soumettre aux astuces et manigances de ces pince-sans-rire d'auteurs d'Outre-Manche, on ne se méfie au fond jamais assez de leurs bigotes à parapluie et de leurs pasteurs pétris de candeur. Tous, ils nous décontenancent dès lors qu'ils ont un pinceau à la main ou entreprennent n'importe quelle action un peu tactique. Une fête paroissiale par exemple, ou une invitation à prendre le thé.
Très différente des grandes romancières que furent Jean Rhys ou Doris Lessing, Barbara Pym est, elle aussi, une grande romancière anglaise. Elle fut relativement négligée, de son vivant, puisqu'une partie de son oeuvre peina à trouver éditeur, et après sa mort. Il fallait le poète Philip Larkin, en 1977, et sa tribune du Times, pour la remettre à l'honneur.
La réédition de ses Femmes remarquables propose la moëlle de l'oeuvre de Pym : Mildred Lathbury, la fille d'un pasteur décédé, travaille à mi-temps dans un centre d'aide aux femmes en difficulté et consacre le reste de son temps à la paroisse. La jeune femme à la vie routinière trouve avec l'installation d'un jeune couple à l'étage inférieure de sa maison sujets à réflexion. Elle est anthropologue et libre, lui est officier de marine et charmant. Tous deux amènent la jeune Mildred à s'interroger d'une manière inédite, sur des points qui ne l'avaient jamais effleurés auparavant. Le monde frappe à sa porte, et en particulier l'Autre, celui avec lequel on forge un couple, ce mystère fondamental...
Et puis il y a le troisième homme, ce blond anthropologue qui suit les offices...
Traité avec l'esprit délicat de Barbara Pym, Des femmes remarquables est une magnifique comédie de moeurs où dérision et mélancolie se disputent chaque page.

J’étais courbée au-dessus des poubelles, occupée à racler les quelques feuilles de thé et pelures de pommes de terre qui tapissaient le fond de mon seau. Cela m’embarrassait de lier connaissance en de telles circonstances. Il avait été dans mes intentions d’inviter un soir Mrs Napier à venir prendre le café. C’eût été une charmante et fort courtoise réunion, en l’honneur de laquelle j’aurais sorti mon plus beau service et disposé des biscuits sur un plat d’argent. Et voilà que je me tenais là, l’air gauche, affublée de mes plus vieux vêtements, les mains encombrées d’un seau et d’une corbeille à papier.


Après les Aventures de Cluny Brown de Margery Sharp (2015) et La Ferme de cousine Judith (2016), la collection Vintage devient la spécialiste de la grande comédie anglaise.

Avec la maison Wombat - on va y revenir - et certain volume tout frais des éditions L'Oeil d'or, on nous prépare un été de lectures délicieuses. Si vous ajoutez à votre baluchon La Grande Poursuite de Tom Sharp, la saison estivale sera vraiment très détendue.


Barbara Pym Des femmes remarquables. Roman traduit de l'anglais par Sabine Porte. - Paris, Belfond, "Vintage", 320 pages, 17 €

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