Dédicaces en lot

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Jean-Christophe Napias proposait il y a peu un recueil de dédicaces comme on en avait plus lu depuis longtemps. A bien réfléchir, il fallait retourner aux travaux de Léon Treich, Maurice Rat ou Tristan Derême pour trouver l'équivalent compilatoire. En 1928, Derême avait publié Dédicaces, publiés à l'occasion de la vente de M. A... (G. Andrieux). Ce deviendra encore le sujet de sa chronique du Figaro (7 mai 1931), célébrant le somptueux sujet renaissant d'âge en âge, sous des vêtures différentes mais d'une nature solidement ancrées, identiques et opiniâtres.

O dédicaces ! écrivait l’aède, il en est de charmantes ; mais, mille fois plus souvent, on en rencontre que leur banalité seule distingue du néant : quel est, hélas ! l'homme pervers qui inventa de condamner les auteurs à faire trois cents dédicaces au moment que leur livre est au point de para^tire ? Ils pensent en fini dans un après-midi. Fatal égarement ! Le lendemain, ils continuent, et leur supplice ne s'achève, hélas ! qu'avec le jour suivant. Dans ce tourbillon, ils ne reconnaissent plus parfois les mots qu'ils pêchent dans l'encrier, et il nous souvient qu'en cette hâte alourdie un ouvrage offert à un certain M. Polyphème Durand portait ces quelques mots sur sa page de garde :
à Monsieur Souvenir Durand
avec mon cordial polyphème
(...)

Outre les fameuses que cite Napias, et que l’on vous laisse découvrir dans leur registre tour à tour amical, dubitatif, sournois, malicieux, drôle, nous voudrions juste ajouter celle de ce farceur d’Eugène Chavette :

A moi.


Sans oublier la fameuse anecdote de Jean Genet farceur signant la même semaine que Jean Giraudoux son service de presse chez Gallimard. Un épisode qui se conclue par la réception par les académiciens d’un exemplaire du Giraudoux avec cet envoi manuscrit : "de la part de ce con de Giraudoux »... Ou encore cette dédicace fort curieuse, de l’Allemand Boniface Mild, placé en tête de ses Epîtres d’un étranger (Amiens, Wallon, 1858 et Paris, E. Dentu, 1859) :

Dédicace à M. Théophile Gautier.

Vous vous êtes maintes fois, sans me connaître, retourné, Monsieur, quand je passais devant vous dans les rues de Paris.

Apprenez par cette dédicace quel était ce maigre monsieur qui vous a peut-être inspiré votre « Roman de la momie ». Quant à moi je n’ignorais déjà plus depuis longtemps quel était ce gros monsieur à la bonne figure. J’aurai bien du plaisir si vous voulez bien lire entre les lignes de cette dédicace tout ce que vous souffririez qu’on vous dise de choses agréables ; mais vous préférez peut-être me devoir d’être désormais affranchi d’une corvée.

Comme vous voudrez, Monsieur, comme vous en déciderez, ainsi l’aurai-je parfaitement mérité.
B. MIld.


On ne pourra pas dire mieux que Frédéric Pagès dans le Canard enchaîné : un « livre nourrissant avec des amuse-gueules », mais des amuse-gueules des meilleures plumes.


Jean-Christophe Napias À mon très cher ami. Petite anthologie des dédicaces de la littérature française. - Paris, La Table ronde, 608 pages, 20 €

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