Quand souffle le sirocco

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Quand souffle le sirocco, la peau humaine se couvre de taches de moisi, les pommettes luisent dans des figures moites d'une sueur terne, où un noir duvet se répand une bombe molle et sale autour des yeux, des lèvres, des oreilles. Les voix elles-mêmes sonnent grasses et paresseuses, tel es mots ont un autre sens que d'habitude, une signification mystérieuse, comme les mots d'un jargon défendu. Les gens se promènent en silence, comme oppressés par une secrète angoisse, et les enfants passent de longues heures assis par terre sans parler, rongeant une croûte de pain, ou quelque fruit noir de mouches, en contemplant les murs crevassés où se dessinent les lézards immobiles que grave la mousse dans le vieux crépi. Sur les rebords des fenêtres les œillets brûlent, fumeux dans les pots de terre cuite, et une voix de femme s'élève tantôt ici, tantôt là, chantant : ce chant vole lentement de fenêtre en fenêtre, et se pose sur les balcons comme un oiseau fatigué.



Curzio Malaparte La Pelle (1949), traduit par René Novella, La Peau. - Paris, Denoël, 1949.



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