21 avril. Marc Stéphane, l'auteur de "Fleurs de morphine (1), m'envoie sa petite amie pour me demander si je n'ai pas l'intention de faire un article sur son livre à "L'Echo de Paris" ou au "Mercure de France". Elle a des bandeaux, un petit chapeau plat, des dents jaunes et de grosses joues, et un fort accent. Elle comme effrontée et innocente.
Et je fais le maître, moi. Je parle des illusions que doit avoir ce jeune homme de 26 ans, des difficultés que j'ai eues, moi, de ma bonne volonté à moi. Et je suis flatté. Pensez donc ! C'est la première visite qu'une femme me fait. Elle ne se dégrafe pas, mais ça viendra. Vive la littérature française ! Le métier a du bon. Ca m'embêtera tout de même, de faire cet article. Aussi, j'ai eu la précaution de prévenir la petite dame que çà ne paraîtra pas dans le prochain numéro, qu'un articule au Mercure n'avaient aucune importance, mais que, sç ça pouvait lui être agréable que je passe un quart d'heure à écrire deux ou trois lignes... - Merci, Monsieur. Vous êtes bien aimable, et je vous demande pardon de vous avoir dérangé.
Jules Renard Journal, éd. d'Henry Bouillier. R. Laffont, 1990, p. 261.
(1) Réédition programmée.