Des Abeille dans la poche

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C’est un mois de mai à marquer d’une pierre blanche : deux romans de Jacques Abeille paraissent en poche.

Notre époque qui aime les cas, voudrait en faire un d’Abeille. Mais au risque de s’y méprendre. Jacques Abeille, publié assez tôt par la maison Flammarion après plusieurs publications chez des éditeurs plus modestes, n’a jamais cessé d’être publié malgré la rumeur qui tente de relayer le conte d’éventuels empêchements éditoriaux. Depuis quarante ans, Abeille a usé de plus d’un éditeur — au sens d’usage et non d’usure. Son premier livre date de 1977. Deleatur beaucoup, Fourneau aussi, et on en passe.
Alors, bien sûr, on peut broder, et faire de lui un désespéré de la publication, un mal aimé, un banni. Que nenni, Abeille est l’un des plus fameux petits maîtres de notre époque, et il est de ceux dont l’oeuvre bien plantée en terre, et comment, prend avec le temps la place des feuilles lancées au vent par certains « grandzécrivains » d'un moment. Il sera d’ailleurs temps, très bientôt, de voir où en sont les scores, mais il y a fort à parier que sur les gloires françaises qui nous ont ébloui des années 1980 à aujourd’hui, Jacques Abeille aura gagné de nombreuses places... justement parce qu’il est publié sans cesse, et en particulier son Cycle des contrées initié en 1982 chez Flammarion.
Pour l’heure, c’est en livre de poche qu’il jaillit enfin avec les deux premiers volumes du cycle, Les Jardins statuaires (1982) (1) et Le Veilleur du jour (1986) . Le curieux de l’affaire est qu’il surgit où l’on pensait ne pas le voir : dans uns collection vouée à la science fiction. C’est assez étrange. Aurait-on l’idée de publier Buzatti ou Gracq ou Dhôtel ou Coetzee en SF ? Abeille qui se plaçait sous la protection de Nerval et des romantiques noirs... Quand bien même on le comparerait à Tolkien —c’est un peu audacieux tout de même— ou à Ursula Le Guin — celle-ci enfin à la mode —, il paraît un peu ambivalent de placer Abeille en telle niche. Prestigieux sans doute, anti-productif à coup sûr. Et digne de relancer cette vieille intox selon laquelle Abeille serait un cas. Non, Jacques Abeille n'est pas un cas. Jacques Abeille est un écrivain français de fiction qui aurait dû paraître en Folio depuis longtemps maintenant.
Tout à coup, on s'interroge : cette erreur d’aiguillage agrègerait-elle Abeille aux cas de malchanceux ? Allez, vous voyez bien que nous blaguons : non seulement il n’a pas la poisse, mais il connaît la gloire du passage en poche et les lecteurs qui ignorent encore son nom vont pouvoir déguster ses meilleurs livres à prix modiques en se demandant ce qui se déroule exactement dans cette bonne cité de Terrèbre, de son entrepôt et, là-bas, dans ses les jardins statuaires...

Ton voyage a été long. Je veux t’en dédommager par une promesse. Nous épargnerons les petites filles, toutes les petites filles.
Et il éclata de rire.




Jacques Abeille Les Jardins statuaires. — Folio SF, 576 pages, 8,90 €
Le Veilleur du jour. — Folio SF, 624 pages, 9,40 €

(1) On nous signale à juste titre que Les Jardins... avait paru déjà une fois en Folio il y a quelques années. Comme le temps passe...

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