Krúdy tient la rampe

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Ceux qui ont eu la chance de croiser la route de Krúdy s’en souvienne, en particulier s’ils ont eu la possibilité de lire Sinbad ou la nostalgie dont plusieurs éditions menées par Ibolya Virag ont vu le jour depuis quelques lustres.
Krúdy est somptueux, il est dingue aussi, et c’est un observateur hors pair, doublé d’un imaginatif à tendances délirantes.

Je me méprisais terriblement, en me tenant dans la pénombre de cette pièce voûtée qui ressemblait, en tous points, à celles que décrivent les romans de quatre sous. Assis dans un fauteuil, les mains dans les poches pour éviter de toucher le moindre meuble, je laissai se dérouler devant moi l'histoire de cette chambre, pareille à l'une de ces vies qu'un roman édifiant présente à titre d'avertissement à de jeunes lecteurs. Tels qu'ils avaient retenti voilà des années, des soupirs de volupté, des rires de femmes légères, des sourires fanés et des grognements masculins sortaient de ces murs, de la même manière que des sons de cornemuse et des braillements s'échappaient des tombeaux dans lesquels on avait enterré des gens morts en état d'ivresse. On eût dit que l'air était encore plein de l'odeur des jupons sales que les femmes avaient fait glisser sur leurs hanches avec un sourire provocant. Les chaussures, les bottes, les bas tirés sur de grosses cuisses, les chapeaux avaient tous laissé ici leur empreinte. Je regardais avec effroi le lit qui à cet instant, ressemblait à la table de la morgue sur laquelle on étend les cadavres



Gyula Krúdy Le Compagnon de voyage. Traduit du hongrois par François Gachot — La Baconnière, Ibolya VIrag, 152 pages, 10 €

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