Les incipits du siècle dernier (8)

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C'est la pire misère, pour des toiles, de finir à l'encan des commissaires-priseurs ; les tableaux y prennent l'expression d'enfants abandonnés.
Les peintres y ont dépouillé le meilleur d'eux-mêmes, pour que de purs fragments de leur âme attendent ici l'appel de la surenchère.
L'écrivain rouvre son manuscrit, remet son âme sous ses yeux. Phrase mélodique ou symphonie, le musicien qui la répand, la retrouve, à son gré, dans un accent qui n'est qu'à lui. Car, pour lui, il n'en est pas d'autre interprète !
Mais les peintres, si la religion d'un musée doit manquer à leur gloire, tributaires des vitrines, des halls d'exposition, bannis de leurs ateliers, assistent à la dispersion de leurs oeuvres vivantes et sente, par lambeaux, leur âme qui meurt, arrachée !
Dans l'ambiance où le ciel ouvert diffuse sa lumière fade, les tableaux accrochés aux mures jasent et se jalousent et souffrent d'individuel orgueil.
Les intermédiaires qui sont dans la salle ont paré ce coin de détresse de toilettes d'encadrement, pour qu'à la veille du jour de vente, même les plus humbles toiles s'éveillent dans la merveille des ors !




Michel Féline La Mélancolie de son bonheur. - Paris, Chiberre, 1921.



Illustration du billet : © Draco Semlich 2018.

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