André Chénier par Thibaudet

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De son siècle, (Chénier) a la qualité la meilleure et la plus séduisante : il est aimable. Malgré ses vides, ses naïvetés, ses travers et ses vices, cette époque sse fait aimer : on s’y plaît comme dans ses délicieux appartements où tout est disposé pour retenir et pour caresser. Il faut admettre avec certitude que toujours le sérieux d’un Français cultivé s’estimera en proportion de son goût pour le XVIIe siècle ; mais il serait paradoxal le sérieux que n’amollirait pas pour une heure le papillonnage du siècle suivant. L’épicurisme amusé d’André Chénier nous est agréable ; nous lui sommes presque reconnaissants d'aborder la vie avec une telle joie, — ou plutôt un tel plaisir, car la joie a une plénitude et une sérénité religieuse que ni lui ni son siècle n’ont connue. Allant avec une égale aisance, une même légèreté d’un objet à un autre, d’Homère à Fragonard, de Brutus au marquis de La Fayette, du jeune Anarcharsis à une piquante maîtresse, Chénier offre le modèle de ce qu’Epicure appelait le plaisir en mouvement, — un plaisir qui, selon le sage Grec, n’est qu’une faux plaisir, se cherchant sans cesse et ne se trouvant pas, n’ayant de réalité que dans son agitation. On voit avec charme Chénier s’y livrer avec tant de jeunesse; nous l’aimons d’être heureux, comme Epicure aussi, qui n’adorait dans les Dieux que leur bonheur éternel de Dieux.




Albert Thibaudet André Chénier. Présentations de Stéphane Zékian. - Sainte-Marguerite-sur-Mer, Les Equateurs, 2018, 77 pages, 9 €.

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