Le livre qui n'a qu'une phrase

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Les bizarreries littéraires

Un volume qui n'a qu'une phrase !

J'ai reçu il y a exactement cinq minutes un « volume » signé Raymond Gid et Intitulé Doit-on faire de sa femme sa maîtresse ? Et je l'ai déjà lu, entièrement lu.
Un record sans doute; mais bien plus un record d'écriture qu'un record de lecture. Car ce Livre ne se compose que d'une phrase. Une seule. Encore faut-il avouer que cette phrase unique est présentée, entourée, enjolivée avec humour.
Après les titre, faux-titre, etc., une note est ainsi conçue :
« Ce premier livre de philosophie se présente sous une forme nouvelle. L'auteur, grâce à un texte savamment condensé, a su, en évitant d'imposer au Lecteur sa méditalion propre, lui laisser la possibilité de se livrer à ses pensées personnelles. Ce livre peut être mis entre toutes les mains, même les plus petites, en raison de son format réduit. Etc. »
Et le Livre commence. Le livre, c'est-à-dire la réponse à la question du titre : « Doit-on faire de sa femme sa maîtresse ? »
Voici cette réponse, qui paraît à raison d'un mot par page (pas plus, mais d'unie typographie aussi heureuse que variée) :
Cela dépend naturellement naturellement de la femme.
Après cette maxime définitive, une « postface » ainsi conçue : « et de vous évidemment un peu aussi ».
Et, en caractères gras, au centre d'une page. Sur la dernière page, une « justification du tirage » qui ne manque pas de fantaisie :
« Ce volume a été achevé d'imprimer le 5 novembre 1933 par Raymond Gid et Guy Lévis-Mano, typographes. Il aurait pu en être tiré 2 exemplaires sur japon, 10 sur hollande et enfin 141 sur pur fil lafuma tous numérotés de 1 à 2, de 3 à 12, de 13 à 153 ; mais il n'a été tiré que 3 exemplaires sur papier assez ordinaire et 150 sur papier plus ordinaire encore. »
Voilà. Nous avons décrit dans son détail comme dans son ensemble le curieux volume de M. Gid. Passons maintenant à la critique proprement dite.
La besogne n'est point aisée. De quels commentaires, de quels jugements peut-on, en effet, entourer une œuvre qu'une unique phrase compose ?
On nous excusera de faire, pour cela, appel à de lointains souvenirs : ceux des premières classes de l'enfance, et de tenter d'appliquer ici la seule méthode critique qui nous paraisse en rapport avec cet ouvrage singulier :
CELA : pronom démonstratif, sujet de dépend.
DÉPEND : verbe neutre, indicatif présent, troisième personne du singulier.
NATURELLEMENT : adverbe de manière.
NATURELLEMENT : adverbe de répétition inutile.
DE : préposition.
LA : article défini, féminin singulier.
FEMME : substantif féminin singulier, complément indirect de dépend,
Et maintenant, une simple question : M. Raymond Gid présente-t-il cet ouvrage au prix Goncourt ou au prix de littérature spiritualiste ?
Pierre Lagarde

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