Misuzu Kaneko, empêchée, suicidée, retrouvée

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Un magnifique album propose Un soeil déjà oblique, quarante poèmes de Misuzu Kaneko, poète japonaise disparue tragiquement à l'âge de vingt-sept ans et les photos de Jacqueline Salmon que lui ont inspiré ses vers.
L'ensemble est terrible et beau.

Mais dans ce quartier délaissé
La boue
Etait
La profondeur du ciel


Née dans une famille de libraires, orpheline de père à trois ans, la jeune Teru (née en 1903) prend le pseudonyme de Misuzu qui évoque le tintinnabulement d’une clochette et publie à l’âge de vingt ans ses premiers vers, « Les poissons », dans une revue de littérature pour enfants, Akai Tori qui définit les canons de l'esthétique dōyō (chansons pour l’enfance), destinée à encourager les enfants japonais, futurs adultes, à apprécier les choses simples et la beauté locale, au moment même où le Japon s'ouvre rapidement au monde occidental...
La suite de sa vie est tragique : plus affaiblie et récemment divorcée baisse les bras. L’histoire de ses derniers jours est connue : le 9 mars 1930, Misuzu se fait photographier dans une boutique qui se situe au pied du grand temple shintoïste de Shimonoseki. Le lendemain elle se suicide en avalant des somnifères. Misuzu voulait tout aimer, mais on ne le lui a pas permis. Elle a laissé à côté d’elle le ticket qui permet à sa mère de récupérer son portrait... Invitée au Japon par sa professeure de japonais et le frère de celle-ci, actuel supérieur du temple, la photographe Jacqueline Salmon a eu à cœur de retrouver « les paysages, la campagne, les temples, Les plages désertes, les ports de pêche, les rues et les ruelles, les intérieurs », tout ce qui semblait dans l’état où Misuzu Kaneko avait pu le voir. Le livre set un bel hommage à la poète, doublé d'un voyage dans le temps immémoriel du Japon.


Marché aux poissons


Dans le bras de mer
Déferle
La marée du soir

Qui au loin
Gronde
Au crépuscule

Sur la criée fermée,
La halle aux poissons de la ville
Une ombre venue de la mer
Se penche soudain

"Les enfants ? Où sont les enfants ?"
Quelque chose, quelque chose
Se penche soudain

Dans le ciel nocturne
Couleur de maquereaux argentés,
Les corbeaux sans un cri
Passent !


Jacqueline Salmon sur des poèmes de Misuzu Kaneko Un soleil déjà oblique. Variations sur 40 poèmes de Misuzu Kaneko, avec Christine Buci-Glucksmann, et des traductions du japonais de Brigitte Allioux. - Eres, « Po&Psy », 239 pages, 30 €

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