En marge de Cachées par la forêt : Marie-Édith de Bonneuil

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Le cas de Marie-Édith de Bonneuil n'est inintéressant. Cachées par la fiorêt en dit quelque chose.
Il est intéressant quoi qu'il en soit qu'Odette de Puigaudeau, saharienne elle-aussi, ait fait la promotion de sa consoeur.

1938 Prix Kastner-Boursault Bivouacs aux étoiles

L'Afrique possède une nouvelle exploratrice, Marie-Édith de Bonneuil qui, entre janvier et mai 1933, avec 10 000 kilomètres d'auto et 6 000 kilomètres d'avion, tantôt seule, tantôt en compagnie d'officiers italiens, a établi le premier record féminin au Sahara lybique.
C'est une belle performance, d'autant plus belle que Mlle de Bonneuil n'en a pas fait le seul but de sa randonnée. Ce qu'elle cherchait à travers la Cyrénaïque, le Fezzan, la Sénoussie, le Hoggar italien, c'était les mystères de peuples très anciens et cependant primitifs, les secrets des Ksour et des oasis perdues, et surtout la satisfaction de cette curiosité de la terre, de ce goût des espaces libres qui, toujours, l'avaient poussée vers l'inconnu.
Cela lui avait pris, toute petite, dans son île Maurice natale, paradis posé comme un bouquet sur l'eau bleue de la mer des Indes.
Grimpée en haut d'un banian, par-dessus l'étincelante végétation de flamboyants et de bougainvilliers, elle écoutait les belles histoires que chantaient entre les branches les vents chauds de l'aventure. Et dans ses veines, une goutte de sang breton lui chuchotait que les vrais Paradis sont ceux que l'on conquiert par le risque et la lutte, à travers les océans immenses et les terres mystérieuses.
Pour Marie-Édith, les hautes frondaisons devenaient cacatois et perroquets de quelque audacieuse frégate, et toute une flottille imaginaire cinglait à travers les champs de canne à sucre vers les découvertes et les batailles de son jeune désir.
Vite, elle connut la joie des départs. Après son mariage, elle vécut à Madagascar et, dans un grand voyage en Afrique du Sud. elle rencontra pour la première fois, au Kalahari, le visage du désert. Je ne compte pas les allées et venues, banales pour elle, entre l'Europe et les Iles. mais, en 1921, elle boucla ses malles pour un voyage qui en valait la peine : tout simplement le tour du monde.
Puis, ce fut. en décembre 1932, le grand départ, vers la vraie aventure. Poussée par ses amitiés italiennes, protégée par Mussolini, elle s'envola de Rome pour Tripoli. L'auto mise à sa disposition par les autorités italiennes l'emmena à travers le Hoggar italien jusqu'à Rhàt. la cité religieuse des Senoussites, aussi secrète que Smara jusqu'à l'occupation italienne, et où l'exploratrice hollandaise Alexandra Tyrme fut assassinée il y a quelques années. Elle se reposa à Germa, dans l'oued Adjal, ancienne capitale des Garamantes, la plus vieille civilisation connue en Afrique, et salua au passage les tombes des antiques Rois de Cariem, creusées aux flancs de la montagne parmi les inscriptions rupestres. Cent kilomètres d'oasis, 100 kilomètres de tombes bien gardées par l'effroyable Hammada-el-Homra, le Désert de pierres !
Terres farouches, villes murées sur les fanatismes obscurs, puits sacré comme celui du Ksar Gimmoun où elle campa auprès de la tente de pourpre d'un prince touareg. Il était venu là, de bien loin, pour voir sa jeune femme, pauvre folle de quinze ans, hurlante, dans l'eau jusqu'au genoux, au fond du puits qui rend la raison. En grandiose décor de fond, le Mont des Génies se dressait, dominant de sa masse la crédulité et la faiblesse des hommes.
De retour à Tripoli, un avion emporta Marie-Édith de Bonneuil à Bengazi.où une escadrille militaire l'attendait pour piquer droit au sud vers Koufra, la Mecque africaine, assise au milieu du désert lybique. Avant l'occupation italienne, seuls y étaient entrés l'Allemand Rohlfs, en 1879, et Rosita Forbes en 1921.
Par quatre fois, une tempête de vent et de sable rejeta l'escadrille vers Gialo, seule oasis en 1 200 kilomètres de désert, mais elle atterrit quand même à Koufra, où M.-É. de Bonneuil fut accueillie par les Akouans senoussites qui avaient connu jadis Rosita Forbes, et par les « dames » tebbous qui n'avaient encore jamais vu de femme blanche.
Marie-Édith de Bonneuil parcourut ainsi, par avion ou auto, l'immense colonie italienne, ancienne Cyrénaïque romaine. Brûlée de soleil, fouettée de sable, reposée sous les palmes des oasis, elle vit les grands travaux mussoliniens, le tombeau du Mahdi. les Ksour antiques, les Touareg vêtus comme des Croisés, les « Mangeurs de vers », Djaraboub, l'université sénoussite, et les quarante forts italiens a la princière hospitalité.
Et maintenant, au milieu des succès et des honneurs que lui valent son raid magnifique, membre des Sociétés de géographie de Paris et de Londres (cette dernière n'accueillant des femmes qu'exceptionnellement). Marie-Édith de Bonneuil prépare un nouveau voyage, quelque part vers le Sud, vers le Désert aux vastes horizons chers à son âme nomade.


Odette de Puigaudeau


Les Dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, 23 septembre 1934.

Illustration du billet Marie-Édith de Bonneuil à Koufra, au milieu d'un groupe de femmes Tebbous.

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