Babel Rouge

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On comprendrait assez vite pourquoi il faut lire les classiques si, sortant de la jungle où nous aurions passé enfance et jeunesse, nous tombions nez à nez avec Cavalerie rouge d'Isaac Babel.
On comprendrait instinctivement que là quelque chose se déroule qui n'a pas lieu ailleurs.
De quoi décourager ceux et celles qui font des phrases.
Cavalerie rouge, en particulier dans cette traduction de Jacques Cattau ressuscitée, est de ses livres qui ne laissent pas le lecteur s'interroger une seconde sur ce qu'est la littérature. Comme Kaputt, La Peau, La Route au tabac, Le Vaisseau des morts et quelques autres encore, puisque les dieux sont généreux.
Cavalerie rouge est brutal et malséant comme le XXe siècle. Il est frontalement agressif et, surtout, il est parfaitement littéraire, sobrement littéraire, étonnamment littéraire et il illustre avec un soin méticuleux les faces de l’être humain, ses folies meurtrières et ses faiblesses parfois indignes.
Isaac Babel a écrit un classique, il reparaît, lisez-le.
Si vous l'avez déjà lu, vous aurez envie de le relire, et si, sortant de la jungle, ça n'est pas le cas, faites-moi confiance. On ne lit pas sans en connaître un grand choc Cavalerie rouge d'Isaac Babel, disciple de Gorki - qui avait senti que le jeune auteur avait besoin de prendre un nouveau contact avec la réalité pour donner à son oeuvre de la grandeur.
Et quel contact...
Ce recueil de nouvelles date de l'époque où le jeune natif d'Ukraine myope et rondouillard s'engage dans la cavalerie rouge de Boudionny lors de la campagne polono-bolchevique de l’été 1920. Sans être commissaire politique, il est le rédacteur du journal de campagne destiné à instruire les troupes d'idoine manière. En parallèle, il prend des notes de ses périples et va en constituer la matière de Cavalerie rouge.
Le succès du livre sera grand, mais les reproches viendront vite, en particulière du maréchal Boudionny à qui ne plaît pas la crudité des tableaux. Il est vrai que les scènes saisies par Babel sont d'une dureté extrême. Viols, étripages et saccages sont le lot de cette guerre menée par des sauvages déchaînés, Cosaques ou Polonais profanateurs, iconoclastes et cruels. Pas un camp pour sauver l'autre, évidemment. Les cadavres jonchent le sol, les maisons, la pourriture empreigne tout, les excréments et les viscères semblent partout... Les combats ne sont cependant pas favorables aux Rouges qui se replient. Babel est malade du typhus et rentre à Odessa dont il va décrire plus tard la pègre ('Récits d'Odessa", 1931). Il devient alors un écrivain reconnu et appartient à ce titre à la nomenklatura mais il va être l'un des nombreux intellectuels victimes des Grandes Purges staliniennes. Dès lors que son mentor Gorki disparaît, il lui reste trois ans à vivre au terme desquelles il est arrêté et fusillé en janvier 1940.
Reste son chef-d'oeuvre et de nombreux écrits.
A vous de voir...



Isaac Babel Cavalerie rouge. Traduction du russe par Jacques Cattau. - Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 240 pages, 23 €

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