Léon Moussinac et la violence policière

MoussinacManifestationInterdite.jpg


C'est à la générosité de la librairie Gwalarn, de Lannion, que l'on doit d'avoir en main cette réédition de Manifestation interdite, un roman oublié de Léon Moussinac (1890-1964), lui-même fort négligé depuis quelques décennies. (Il serait juste, ici, de rappeler toutefois le travail engagé par François Eychart et son édition du Radeau de la méduse : journal d'un prisonnier politique, 1940-1941 chez Aden en 2009).
Journaliste à L'Humanité, membre éminent de la revue Europe, Moussinac fut ce que l'on appelle une conscience. A une époque où cela se remarquait aussi, puisqu'une conscience se remarque à peu près tout le temps. Dans le tableau général, cela saute à l'oeil, une conscience. Pardon d'insister.
Pleine d'à propos, cette réédition fait écho à la grande brutalité dont fit preuve la police de CHiappe au moment des manifestations parisiennes de 1927 contre l''exécution de Sacco et Vanzetti. "La clameur est générale.

Quelques coups de sifflet.
Et c'est la bagarre rapide, violente.
Les flics s'élancent. La chasse à l'homme est commencée.
On cognera donc, ici et là, avec un rage inouïe, sauvage (...) Panique. Les gardes municipaux accourent à la rescousse. Les poings s'abattent, les matraques sifflent. Des cris, les gémissements d'une femme blessée que deux brutes piétinent. - Crèvent donc, putain !

Comme l'histoire se répète, comme la bourgeoisie montre les dents quand elle a peur...
Poète également, Léon Moussinac était aussi le fondateur avec Vaillant-Couturier et Aragon de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires, et le fameux directeur des Editions Sociales Internationales, en butte à de nombreux problèmes dès la fin des années 1930, puisque sa maison est saisie dès 1939, ses livres pilonnés (dont Manifestation interdite) et qu'il est arrêté en avril 1940 pour “propagande communiste” et enfermé à la Santé puis interné au camp de Gurs. Il est finalement acquitté en novembre 1941... Après-guerre, il sera directeur de l'École nationale supérieure des arts décoratifs, car il était également très porté sur l'esthétique.
Son roman Manifestation interdite reçut en 1935 les lauriers du prix Renaudot, mais Moussinac, droit comme un i refusa le prix qu'il jugeait non conforme avec ses idées de l'indépendance avec les institutions bêlantes de la vie culturelle. On peut lui tirer notre chapeau car il ouvrait là une voie qui sera suivie bientôt par de plus célèbres que lui.
Un livre destiné par Moussinac à notre époque, sans aucun doute.

Léon Moussinac Manifestation interdite. Préface de François Eychart. - Paris, Delga, 224 pages, 17 €

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : http://www.alamblog.com/index.php?trackback/3823

Haut de page