Les Limousins, par Georges Fourest (1923)

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A partir du 4 décembre 1923, Paris-Soir donnaient une série d'articles d'écrivains sur le sujet suivant : "De quoi se compose Paris ?"
Il fallait lire "De qui" plutôt que "De Quoi", mais on avait compris. Jean Ajalbert répondit "Les Auvergnats" ;
Dussanne "Basques et Béarnais" ;
Moro-Giafferri. "Les Corses" ;
Valmy-Baysse, "La Gironde à Paris" ;
Isabelle Sandy "Les Ariégeois" ;
Henri Béraud, Le Rapide 18" ;
Maurice Magre "Les Toulousains" ;
Raymond Hesse "Les Foréziens" ;
Maurice Couyba, "les Franc-Comtois" et, assurément, il en manquait encore le 26 décembre lorsque Georges Fourest servit "Les Limousins", qu"'on trouvera plus bas.
Pierre Bonardi y allait d'un petit portrait rapidement ficelé :

Georges Fourest
(Limousin)

Avez-vous lu « La Négresse Blonde », et « Les Contes pour les Satyres » ? — Non! Alors je vous plains pour deux raisons. Première : Vous ignorez une des joies de notre vie quotidienne. Seconde : Je crains que vous ayez bien du mal à trouver ces livres en librairie. Ce sont les oeuvres de Georges Fourest, « acrobate preste et cocasse du cirque lyrique ». Willy a écrit : « Depuis la fourche de ses pieds jusqu'à la pointe de ses oreilles, il a dé l'esprit; esprit tortueux et tumultueux, âpre et burlesque, raffiné et puéril, savant et brutal, douloureux et lascif, et esprit surtout ricaneur, sardonien ; naturellement, esprit satyrique. »

Il a préparé l'ordre de ses joyeuses funérailles et gravé son épitaphe :

Ci-git Georges Fourest; il portait la royale
Tel, autrefois, Armand Duptessis-Richelieu
Sa moustache était fine et son âme loyale
Oncques il ne craignit la vérole ni Dieu.
P. B.



Les Limousins
par Georges Fourest

Enfant d'une des plus belles,,des plus riantes et tout ensemble des plus pittoresques régions de France, le Limousin, surtout s'il est artiste ou poète se déracine malaisément. Il lui en coûte d'abandonner — fût-ce pour les rives de la Seine — les bords heureux de la Vienne ou du Taurion, de la Briance ou de la Gartempe. C'est pourquoi de iiets poètes comme Rebier, Miehaut, Martial Vergnole, d'éblouissants coloristes comme Bichet ou Eugène Alluand né se peuvent arracher au "patelin" et bien loin des agitations lutéciennes ; parachèvent amoureusement leur œuvre à l'ombre des châtaigniers ancestraux. Mais d'autres ne demeurent point sourds, ne résistent point à l'appel des nymphes céquaniennes. Non contente d offrir à l'Urbe souveraine ses incomparables céramiques et ses chatoyants émaux, cette province qui fut la patrie de Bertrand de Born au moyen âge, et, aux jours de la Renaissance, de. Dorât et de Marc-Antoine Muret, cette province qui, au XIXe siècle, connut la gloire (dont elle ne se montre pas assez fière) d'enfanter ce peintre de génie : Renoir, ne se lasse pas de donner à Paris de nouveaux Parisiens et quels Parisiens ! MM. Jérôme et Jean Tharaud sont Illustres à l'égal de leur "Dingley" lui-même ; M. Jean Bourdeau siège à l'Institu( M. Firmin Roz y siégera un jour ou l'autre ; nul n'oserait, je pense, ne point admirer sans réserves le "Sigfried" de M. Giraudoux ; et ce pénétrant psychologue, ce captivant narrateur, ce paysagiste aux tons si fins, ce maître-ciseleur de prose française, le parfait romancier du "Cœur en détresse" et du "Drame en forêt", Paul Lagrange n'est-il pas notre compatriote, ô Limousins, mes frères ? Notre compatriote aussi Louis Guimbaud qui savamment parfournit cette monographie de Juliette Drouet, régal (parfois un peu amer) des Hugolâtres dont je me pique d'être un des plus impénitents.
Nos compatriotes encore Aubrun, Nussac, l'aimable conteur Jean Nesmy, Johannès Plantadis sur qui la tombe vient hélas ! de se refermer, le romancier Sylvestre et l'infatigable polygraphe Henri de Noussanne (né Rossignol) ! Si non de la nôtre, de quelle terre est-il venu, ainsi que ces deux romanciers, le pur Alberic Cahuet et Marcel Nadaud, père de Chignole ?
Dans le pays qui va de Montmartre à Montrouge,
Pierre Halary, le fougueux lyrique de cet altier « Avènement à l'Empire qu'un critique et non des moindres, à son apparition, qualifiait de dantesque, Pierre Halary, l'animateur à qui la Société dès poètes français dut, aux années maudites, de n'avoir pas, un instant, périclité ? Du reste, une fois transplantée il a tôt fait, notre Lemovike, de s'acclimater l'atmosphère de Panam; la verve narquoise de la race bien vite va se transformer en ironie boulevardière,ivoire en blague Montmartroise : respirez plutôt ce triple extrait de "parisine" dont l'humoriste Dominique Bonnaud se plaît à parfumer la rosserie de ses chansons, l'étourdissante fantaisie de ses gazettes rimées. Puisque nous parlons de gazettes, faut-il .rappeler que M. Léon Chavenon émigra de la place Denis-Dussoubs a celle de la Bourse tout exprès pour y fonder un quotidien notoire ? Que le docteur Benjamin Bord dirige avec maîtrise "Æsculape"; somptueuse revue.de médecine littéraire et de littérature médicale ! Gardons-nous de prétériter le "Limousin de Paris" et "Lemouzi", intéressantes publications réqionalistes et félibréennes. Et puis voici la phalange des artistes : Henri Couteilhas, le statuaire dont le groupe alliciant « Le chêne et le roseau » là-bas, au pays, charme les paisibles promeneurs du paisible square d'Orsay ; Rousset-Bardelle, peintre et sculpteur ; le musicien Casadessus qui aime à s'abreuver à la source de nos chants populaires : l'architecte, Jules Godefroy, érudit évocateur du château de la Rochefoucauld à travers les âges. Car l'érudition toujours séduisit les compatriotes de Baluze ; M* René Fage n'hésita pas à renoncer à ses triomphes du barreau dont il fut plusieurs fois bâtonnier pour se donner sans réserve à ses travaux historiques. Il sied d'ailleurs de le proclamer, qui que nous soyons, fils de la Haute-Vienne ou dé la Corrèze, oncques ne cesse l'emprise sur nos esprits et nos cœurs du sol incunabulaire.
Pour rien au monde, le Limogeaud qui écrit ces lignes ne se passerait, quand revient l'automne, d'aller voir (en un coin qu'il sait bien) les châtaignes tomber de leur bogue épineuse. Il me souvient qu'un jour, croche la gare Saint-Lazare, la bonne Fortune m'échut de rencontrer Barthélemy Mayéras (encore un lettré que ravit aux lettres l'insatiablé politique). Il revenait d'une courte excursion à quelqu'étang de banlieue.
— « C'est égal, me disait-il en souriant, ces étangs-là ne valent pas ceux de chez nous ! » Ah ! comme de toute mon âme, je îui donnais raison.



Georges Fourest

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