Andrée Viollis
Si un enquêteur demandait à Mme Andrée Viollis lequel de ses ouvrages elle préfère (de Puycérampion (1), en collaboration avec son mari, M. Jean Viollis. 1912, ou de Criquet, 1913), il est probable qu'il obtiendrait cette réponse : « Ce qui m'intéresse, ce qui me passionne surtout, c'est l'oeuvre que j'écris au moment même où je l'écris, celle qu'après le rapide coup d'oeil du reporter, je jette, toute chaude encore de l'émotion qui m'a saisie à la vue "du spectacle émouvant ou cocasse que j'ai surpris pour en communiquer la vision aux milliers de lecteurs d'un journal. » Il semble qu'elle éprouve comme une espèce de volupté à saisir les aspects de la vie qui passe, à les multiplier jusqu'à s'en éblouir et c'est pourquoi toutes les nuances se jouent dans ses grands et petits tableaux de la vie moderne et jusque dans ses rapides esquisses. Comme à d'autres la plume ou le crayon, c'est le pastel, avec toutes les délicatesses de ses « dégradés » et de ses « fondus », qui est né au bout de ses doigts.
Dans ses chroniques hebdomadaires de La France de Bordeaux et du Sud-Ouest. dans ses contes du Journal et de L'Écho de Paris et dans ses reportages du Petit Parisien (sans parler des articles aux Lectures pour Tous et à La Revue de Paris) on a pu voir finfinie variété de ce beau talent féminin. Et par Criquet, très favorablement accueilli en 1913 par la critique, nous savons que Mme Andrée Viollis. en dehors des faits qui lui sont imposés par l'actualité, a le courage d'aborder l'étude des problèmes les plus audacieux.
Notons encore que de solides études à. Oxford (et à la Sorbonne) permettent à Mme Viollis d'exécuter le petit tour de force d'écrire directement en anglais (pour Le Times et le Daily Mail). Et cela ne l'empèche pas d'écrire aussi directement en français, en très bon français, comme on peut le voir aujourd'hui. Ne riez pas, car ce fait n'est pas si commun qu'il ne mérite aussi la peine d'être noté.
Gabriel Reuillard.
Paris-Soir, 16 mars 1924
(1) Sic.