Les couvertures de notre siècle (32)

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Il est toujours temps de lutter contre l'arbitraire.
Les grandes plumes ne craignent pas généralement pas cette lutte, témoignent Zola, Korolenko, Voltaire, et Manzoni.
Ce dernier, Alessandro Manzoni (1785-1873), poète, romancier et homme politique majeur d'Italie - il a contribué à son unification et lui a donné l'un de ses plus grands romans, Les Fiancés, inspiré de Walter Scott, ainsi que des essais sur le roman historique (1830) ou l'invention (1850) - lançait en 1840 son "Histoire de la colonne infâme". Il y faisait le récit éloquent d'une épisode de l'histoire milanaise durant l'épidémie de peste de 1630. Deux hommes furent accusés de répandre la maladie à l'aide d'onctions, le commissaire de la santé Guglielmo Piazza et le barbier Gian Giacomo Mora. Torturés et condamnés par la justice, ils furent suppliciés en place publique. Décidément équanime, la justice fit même ériger une "colonne infâme" sur l'emplacement de la maison du barbier pour que la population n'oublie guère ce procès formidable où les juges montrèrent leur imbécilité massacrante. Naturellement, Manzoni démontra sans peine que les accusations et les aveux appartenaient au registre de la double élucubration engendrée par la peur et l'ignorance face aux ravages d'une maladie radicale. Le récit-enquête de Manzoni tout à la fois historique, juridique et psychologique figurait à l'origine en appendice de l'édition définitive des "Fiancés", preuve que la littérature et l'arbitraire ont un étroit rapport, sans négliger ceux qu'elle entretient avec l'esprit bien particulier des gens de loi. Le texte est également un questionnement sur la torture (abolie en 1840), ainsi qu'une passionnante mise à plat sur le « fleuve qui court » des Fiancés, comme une « déviation inconnue, le remous, le point incertain du fond et des rives » (L. Sciacia). Elle nous renseigne en creux sur un auteur interrogeant la justice des Hommes, les hommes de justice, les procédés judiciaires, et par conséquent sur l’usage légitime de la violence. La question est d’actualité, comme l'on sait. Mario Fusco, épaulé par Leonardo Sciacia avait produit une traduction sous la marque des « Lettres nouvelles/Papyrus » de Maurice Nadeau il y a exactement trente-six ans : il était donc bien temps de revoir ce texte cardinal.
Il est habillé pour notre édification d’une couverture proprement hallucinée avec tête coupée et pendue du peintre Jose Casado de Alisal (circa 1880).


Alessandro Manzoni Histoire de la colonne infâme. Traduction de l’italien par Christophe Mieschi avec un commentaire de Leonardo Sciascia. -- Editions S/Z, 151 pages, 16 €

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