Les couvertures de notre siècle (33)

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Une couverture et un titre suffisent parfois à provoquer le désir. Même si titre et couverture frappent par leur joyeux décalage - et peut-être justement pour cela -, l'envie d'aller voir ce qu'a écrit Katia Bouchoueva est né de ce qu'elle a écrit et publié Alger céleste, un recueil de poèmes qui arbore cet intitulé comme une promesse d'altérité et de grandeur... tout en camouflant la cité sous une photographie de la rue Chemin Jésus, sise à Grenoble. Fait-on plus intrigant ?
Ce chemin Jésus appartient à un quartier de petites maisons avec jardinets sauvées des promoteurs en plein centre de la ville, une kasba de plein pied, un ou deux étages tout au plus, ni blanche ni proche de la mer. Pour une raison qui lui appartient, Katia Bouchoueva y place une suite de poèmes qui lie Russie et Algérie dans son territoire mental. Elle y abandonne les rênes à une ballerine qui l'incarne. Cette dernière voyage et met en mots ses souvenirs d'enfance, les personnages qui les peuplent, récits fruits de récits devenus poèmes, toponymes devenus phares de l'autrefois et du demain.

Et les Russes blancs
et les Russes rouges
et les Russes verts et jaunes (ce sont déjà les algues).
Et tout se mange
se mâche et se comprend.

Elle : ronde et longue.
Elle : pleine et tellement rivière.
Jusqu'au Bosphore et Dardanelles -
père et mère.

"On était proches -
murmure la rive droite à rive gauche -
on était BOUCHE
On dévorait les petits bonhommes grecs,
les petites femmes romaines et berbères,
on les chantait, les gars de Sparte.
Me vois-tu pas sur la carte ?"

Merci terrible, merci énorme ;
merci princesse, que la casserole est chaude.
Le bon repas.
Avec tout l'orge du monde
et toutes les figues,
toute la fatigue.

Et trente ans plus tard, les soutes s'ouvrent comme une grenade mûre...

La baie la saisit par la taille -
mais c'est une onde.


Katia Bouchoueva a lu Jean Sénac, qui l'inspire, et puis entre Solimkansk (du kraï de Perm, par lequel passa Korolenko) et Grenoble elle a lu aussi Cendrars assurément. On voit que ses vers ont de l'allure, et que son récit pousse les feux de son cargo assez bien, évoquant à l'occasion quelque aède de Méditerranée. Soit : nous avons repéré son sillage, nous allons suivre des yeux la route de Katia Bouchoueva.


Katia Bouchoueva Alger céleste. - L'esquif, 92 pages, 12 €

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