Drogues pauvres (II)

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J’ai traversé la zone, alors que j’aurais pu la contourner en suivant le chemin de garde. Depuis un an, je fais exprès de traverser la zone en pleine nuit. J’espère toujours m’habituer à cette sensation de peur. Le problème du courage personnel se pose ici de manière assez aiguë. Les Lituaniens et les Tatars sont considérés comme des champions dans ce domaine.
Près de l’atelier, j’ai légèrement ralenti le pas. C’est là que les tchifiristes (1) se rassemblent pendant la nuit.
On remplit d’eau une timbale en fer blanc. On y vers un gros paquet de thé. On y plonge une lame de rasoir reliée à un long fil de fer. Et on jette l’autre extrémité sur les lignes à haute tension. Ca bout en deux secondes.
Le liquide trouble produit un effet proche de l’alcool. Les buveurs de tchifir se mettent à gesticuler avec excitation, à crier et à rire sans raison.
Les buveurs de tchifir ne sont pas les plus à craindre. Les plus à craindre sont les détenus capables de vous égorger sans en avoir bu.




(1) Buveurs de tchifir.



Sergueï Dovlatov ''La Zone. Souvenirs d’un gardien de camp’’. Traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs. — La Baconnière, 190 pages, 14 €


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