Georges Maurevert

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Georges Maurevert
Je l'ai connu à Paris, il y a plus de trente ans, lorsqu'il habitait, rue de l'Orient, une singulière petite bicoque avec jardin que lui avait cédée le peintre Ziern, son vieil ami. Maurevert descendait, alors de cet ermitage montmartrois pour flâner sur le boulevard et dans plusieurs rédactions. Il y avait des amis littéraires et sportifs, il y donnait des articles d'information et d'érudition toujours curieux et de forme châtiée. Il était aimé pour sa droiture, sa courtoisie, sa serviabilité, son humeur chevaleresque et son goût du paradoxe et de la grandiloquence romantique. Il se liait avec des actrices et des escrimeurs, des ballerines et des peintres, des poètes et des courtisanes, en amoureux de tous les aspects de la société. Ses dieux étaient Barbey, Brummel, Bloy, Villiers, Maeterlinck. Il eût pu devenir un grand informateur, un subtil interviewer d'intellectuels. Mais il avait le travail lent et le caractère indépendant, de l'entregent, mais l'échiné impossible à plover : et l'idée de l'arrivisme le faisait pouffer. Un beau jour, il s'en alla.
Il s'établit à Nice, qui lui sembla le plus délicieux pays du monde. L'hiver, il y voit tous les artistes qui passent : l'été, il a les joies du canot et de la baignade au cap Ferrat, ou des promenades dans les Alpes-Maritimes, ou des sports de Peira-Cava. Il vit comme un sage, avec pipe et bouquins, dans un logis clair, avec toute la Méditerranée sous son balcon.
C'est un analyste retors, un patient chasseur de documents, passionné de savoir, désintéressé, s attachant a un sujet et ne le quittant qu'après complet épuisement. Maurevert fait les livres qu'il lui plaît de faire, et leur donne tout le temps qu'ils veulent. Il a écrit un livre sur L'Alcool contre la France.
Il en a fait un réquisitoire terrible. Il a écrit Fisc et Blason pour demander que les entichés de noblesse souvent fausse payassent l'impôt sur la vanité. Ayant tout lu, il s'est diverti à composer avec le Livre des Plagiats le recueil le plus follement comique, et le plus probant, des emprunts d'auteurs célèbres. Tout cela est bardé de documents assemblés avec clarté, verve et esprit. Maurevert est aussi un excellent conteur et un chroniqueur savoureux. Il y avait, dans la Bague de plomb, ou Line mon amour, des récits composés avec une science de l'effet et de l'énigme révélant le féal de d'Aurevilly et de Poe. Il y en a de plus achevés encore dans le volume qu'il nous donne aujourd'hui, l'Affaire du grand Plagiat : langue ductile et riche composition stricte, humour mêlé au tragique fantastique, on y trouve ces mérites et d'autres encore, ceux d'un talent solide et amusant. Maurevert écrit ces pages à Nice, et il les fait publier à Amiens, dans cette librairie Malfère, où l'on édite de si bons livres sans laide réclame. Puis il nous les envoie. Quand il en aura composé d'autres dont il sera satisfait, nous les recevrons. Il ne se presse pas, il travaille pour son plaisir, et nous y trouvons le nôtre : c'est tout ce que demande ce galant homme et ce remarquable lettré, libre, sceptique, généreux, revenu de tout sauf d'obliger, et qu'on ne peut connaître sans aimer.
Camille Mauclair.

Nouvelles littéraires, 6 septembre 1924

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