Calfeutré dans sa chambre

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Les sept jours qui suivirent la visite de la teinturerie des laines eurent la dureté du silex, et je ne sortis que rarement de ma chambre, en poire à une angoisse trouble et qui m’oppressait davantage lorsque je considérais l’incessante chute de la pluie, une pluie dont la force suffisait à réduire à néant les images que je gardais encore du soleil de l’été, les noeuds de moustiques vibrant l’espace sur les étangs, quand les chaleurs ont été si belles que les étendues rejoignaient alors le vide des jours les plus enfoncés dans les pluies. Les notions climatiques, je le savais, contenaient les innombrables facultés de destruction que je savais exister en moi, ainsi, horrible chose, je ne pouvais que renoncer au refuge éventuel que j’avais cru distinguer dans les variations des vents ou de la pluie, ou des écrasements de paysages, ou encore des légers tremblements de terre, ou des orages : il m’était devenu extrêmement difficile de passer, comme je pus le faire jadis, d’une notion de ces choses climatiques à une autre, et de revenir, pour mieux repasser ailleurs. Calfeutré dans ma chambre, souvent accoudé à la fenêtre à contempler les ruissellements de l’eau du ciel sur les toitures argentées, je me préparais au prochain départ vers le zone intermédiaire.




Jean-Marc Lovay Les Régions céréalières. — Paris, Gallimard, 1976.

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