Si la "rentrée" est un concept esthétique qui intéresse encore quelqu'un (1), c'est Solénoïde, le roman de Mircea Cãrtãrescu qui occupe toute la place - ou comme le dit plus franchement Angelier sur France Culture, qui "carbonise" toutes les prétentions littéraires de la dite "rentrée" (suivez son regard.)
Les dix premières pages du livre traduit par Laure Hinckel suffisent à se faire une idée de l'immersion totale en Littérature que représente ce roman.
Dégoutés s'abstenir. L'expérience n'est pas indolore, mais elle éblouit.
Certains ont dû lire Orbitor (Denoël, 1999) ; ils se souviennent certainement de la puissance évocatrice de Cãrtãrescu, ce personnage dont les phrases semblent toutes dire quelque chose comme ça : "Je calais mes pieds, sous la fenêtre, contre le radiateur qui me les brûlait en hiver, et me procurait un mélange pervers, subliminal, de plaisir et de souffrance."
Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Si vous avez un tant soit peu envie de lire de la littérature, plongez dans Solénoïde.
Si tu es écrivain, tu écris. Les livres viennent sans que tu saches ce que tu as fait pour cela, comme le don fonctionne, de la même manière que la mère est faite pour l'accouchement et donne réellement naissance à l'enfant qui a grandi dans son utérus, sans que son esprit participe à l'origami compliqué de sa chair. Si j'avais été écrivain, j'aurais écrits des livres de fiction, dix ou quinze romans déjà, sans plus d'efforts que pour sécréter l'insuline ou faire transiter quotidiennement la nourriture entre les deux orifices de mon appareil digestif. Mais moi, il y a longtemps, quand ma vie pouvait encore choisir entre un nombre infini de directions, j'ai ordonné à mon esprit de produire de la fiction et il ne s'est rien passé, pas plus que si je regardais mon doigts et lui criais "Bouge !"
Mircea Cãrtãrescu Solénoïde, traduit du roumain par Laure Hinckel. - Paris, Noir sur blanc, 800 pages, 27 €
(1) mais non, évidemment, puisque c'est la pitrerie d'un marketing à bout de souffle.