Le délicieux auteur qu'est Jean-Richard Bloch mérite d'être lu, découvert, relu et redécouvert. A l'instar d'André Suarès et de quelques autres dont on connaît très bien déjà les noms. A tel point que tous nous pourrions les égréner un par un. Pour l'heure, c'est ce charmant personnage, bon lecteur et critique, bon directeur de revue, frère apparemment impeccable et haïjin distingué, qui nous révèle sa passion pour les trains. Un truc de famille puisque père et frères ont peu ou prou à voir avec la bête d'acier.
Les éditions L'Eveilleur, qui ne roupillent apparemment pas (on a lu leur Stevenson il y a peu, ainsi que leur Whitehead), proposent Locomotives un très beau texte des années 1920 où pointent des considérations d'ordres variés, et parfois inattendus.
J'ai beaucoup hanté (...) ces mécaniques et ces navires où se reforment des congrégations passagères d'hommes, relégués dans les misères et les solitudes du travail. j'ai chaque fois remarqué combien devient humble et pesante l'attention qui tombe alors de nous, hommes, sur vous, femmes.
Le voyage est beau, nécessaire. Il est devenu sous la plume de Jean-Richard Bloch un passage obligé, de même nature que ces écrits courts et cependant majestueux - La Baleine de Gadenne, par exemple -, quand bien même le pont paraît bien fragile... Ou justement pour cela.
Parlerai-je de ces trois ponts métalliques qu'on n'ose franchir qu'au petit pas, vu qu'ils n'ont pas été construits pour de telles masses et dansent, sous notre passage, à s'en désarticuler les jointures ? Le machiniste me montre derrière nous le parapet agité d'un tortillement rien moins que rassurant. Un torrent vert et bleu, couleur de chromo suisse, se tortille lui aussi à des profondeurs vertigineuses au-dessous de nos pieds.
Jean-Richard Bloch Locomotives. - Bordeaux, l'Eveilleur, 60 pages, 7.50 €