L'Alamblog

Désabusé il est, Jean-Pierre Montal. Les personnages de ses nouvelles sont dépités, peinent à travailler, et qu'on veuille encore d'eux reste d'ailleurs une marque de chance. Bref, ils amorcent la quinquaine avec un peu de lassitude et du gras sur les hanches, des habitudes (bonnes ou mauvaises), et la sensation qu'il leur faut changer quelque chose.
S'ils ne sont pas divorcés, ils sont en mal de succès et, de la vie, ont égaré toute la magie. Ils semblent ne plus se traîner qu'un boulet - celui-ci s'est attaché involontairement un impétrant des lettres qui sert de châtiment au gros coup de vanité qu'il eût un jour... Tous sont à un âge où Frédéric Berthet avait déjà mis les bouts à la campagne pour se protéger du commerce des Hommes, et ils y songent, à l'ailleurs, comme si cet ailleurs ne devait pas être intérieur.
"Nous autres" dit ce que toute génération découvre avec le temps : les amis fondent comme neige au soleil, on risque de s'aigrir, de se couper du monde, la tristesse fabrique un voile devant le regard, les échecs répétés entament les cuirs et un soudain coup d'énergie n'est pas toujours bon pour le moral (gare aux retombées fatales). C'est bien beau ces expositions sur le Punk rock et les joviales années 1970-1980, mais il faut bien assumer la descente. Après les bonnes années où l'on frétillait en toute inconscience et sans a-priori, voici les années où, Nous autres, on constate que d'autres frétillent à leur tour et se foutent bien du reste. En particulier de Nous autres. Nous autres, c'est la retombée d'extase des enfants gâtés. Comment, à cette heure cruelle, conserver sa dignité ? Comment ne pas perdre tout à fait sa joie de vivre ?



Jean-Pierre Montal Nous autres, nouvelles. - Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 219 pages, 18 €


Plusieurs livres de Jean-Pierre Montal ont paru l'an dernier : 100 Courts chefs-d'oeuvre, à lire en une heure, une soirée, une journée, le temps d'un voyuage en train (avec J.-C. Napias, La Table ronde, 2018) et la reprise en poche des Années Foch, suivi de 25 bis rue Jenner, une enquête sur l'univers du cinéaste Jean-Pierre Melville, texte que l'on retrouve aussi dans le recueil de nouvelles (Le Rocher, "Motifs", 2018).