Les trois jours qui suivirent, j’attendis encore le retour du jeune Opalinski. En vain. Pour finir, je lui ai laissé ce mot : « Si tu réapparais un jour, viens me rejoindre où que je sois. » Je pleurais lorsque le cortège du roi s’ébranla, non pas à cause de la douleur que m’occasionnait toujours ma jambe cassée, mais pour une tout autre raison — un émoi profond et infiniment triste. C’est que je quittais le dernier cercle du monde, ses confins humides et détestables, sa souffrance ignorée que personne encore n’avait jamais décrite, ses horizons incertains, au-delà desquels il n’y avait plus qu’un Grand Rien. De nouveau, j’allais vers le centre, là où tout prend immédiatement du sens et s’organise en un ensemble cohérent et facile à interpréter. Voilà pourquoi je consigne à présent ces événements avec la plus grand honnêteté, sans rien ajouter ni soustraire. Et je compte maintenant sur le lecteur pour m’aider à comprendre ce qui s’y est réellement passé, car les périphéries du monde nous marquent à jamais d’une mystérieuse langueur."
Récipiendaire du prix Nobel de littérature, la Polonaise Olga Tokarczuk est publiée par Noir sur Blanc.
Les éditions La Contre Allée ont publié en 2016 dans le cadre de sa collection « FIctions d’Europe » éditée par l’éditeur et la Maison européenne des sciences de l’homme et de la société.
Le salon L’Autre Livre qui se tient ce week-end (jusqu’à lundi soir) aux Blancs-Manteaux vous permettre de vous équiper en Enfants verts, jolie fable et parfait guichet pour aborder l’oeuvre de la Polonaise.
Olga Tokarczuk Les Enfants verts, ou le récit de singuliers événements survenus en Vohlynie, consignés par William Davisson, médecin de Sa Majesté le roi Jean II Casimir., traduit du polonais par Margot Carlier. — Lille, La Contre Allée, 2016, 88 pages, 8,5 €