Vie de rien

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Parallèlement à la publication du nouveau livre de Luc Baptiste - dont nous parlerons bientôt -, il n'est pas inutile de signaler que les éditions Bleu autour avaient rendu en 2008 toute sa vivacité à son premier livre de 1997, Le Village et enfin, en le relançant, bien équipé d'une préface de Marie-Hélène Lafon. Ceux qui connaissent l'oeuvre de cette dernière se doutent immédiatement de l'ambiance qui nimbe - et ce n'est pas le verbe idoine - Le Village et enfin.
C'est naturellement un livre que l'on recommande à tous les collapsologues, ainsi qu'à tous les amateurs du retour à la terre. Il leur faut absolument cet opus circonspect mais terrible, guide indispensable de la vie de village, qui est aussi la vie à la campagne, le grand bain d'une profonde torpeur dans une poisseuse promiscuité. Un régal de désespérance avec, toutefois, des signes de vie authentiquement vivace (des plantes, des animaux, des enfants, des véhicules à moteur, une usine) que l'on décèle ici et là lorsqu'on en a fini avec la description simple mais brutale des "petits faits vrais" du quotidien des uns et des autres. On ne pourra pas prétendre que Luc Baptiste donne des arguments pour s'installer à la campagne, c'est vrai, mais on remarquera tout de même que ce qu'il nous peint rapproche beaucoup la grise cité de banlieue et le village boueux aux maisons glaciales... Dans les deux cas, mieux vaut partir sans doute et, avant toute chose, se munir de ce classique de la littérature agreste.

Du monde, ma grand-mère ne savait ni l'échelle ni la mesure ; elle ne s'aventurait guère à parler d'autre chose que de ce qu'elle connaissait : le village. Quand, cependant, cela lui arrivait, elle allait citer les frasques de telle comédienne ou chanteuse, lues dans un journal datant de six mois, croyant de bonne foi que c'était là une chose que le monde eût à dire et qui se pût dire sur la marché du monde. Elle nous aimait, aussi. Nous n'étions jamais de trop. Il y avait toujours quelque chose à faire avec elle. Elle conservait dans des boîtes à chaussures des petites choses qu'on pouvait prendre pour des jouets.
(...) Je n'ai pas vu le bonheur dans le village ; je n'ai pas rencontré quelque chose qui fût une promesse de bonheur : ni les gens, ni leurs maisons, ni les paroles qu'ils prononçaient devant leur porte. Non qu'il n'y eût que de la tristesse sur les visages et dans les mots qui parvenaient jusqu'aux lèvres : il n'y avait rien, rien.



Luc Baptiste Le Village et enfin Préface de Marie-Hélène Lafon. - Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, 1997, rééd. 2008, 90 pages, 12 €

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