Mario Levrero chasse le lapin

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(V) Il ne faut pas accorder trop de crédit à l'expérience des vieilles personnes. "Dans ce bois - me disait un vieux garde-champêtre - se sont un jour retrouvés tous les lapins du monde. C'était le paradis des chasseurs et, avant que les chasseurs arrivent, le paradis des lapins. Le bois tout entier se résumait à une masse blanche et nerveuse, duveteuse et tendre, pourvue d'une infinité de pointes ondulantes" (il se référait sans doute aux oreilles des lapins qui ont une forme pointue). "De nos, il ne subsiste en revanche que le souvenirs des lapins. Soyez sûr que vous n'en trouverez pas un seul en ayant beau chercher". Mais je le reconnus, malgré son déguisement qui était parfait - les habits, les lunettes - et je lui dit : "Je ne suis pas dupe, lapin. Fuis, car je compte jusqu'à dix et puis je tire". Les oreilles, soigneusement rabattues en arrière, se dressèrent subitement ; le pince-nez tomba à terre et se perdit dans les herbes. Le lapin s'enfuit entre les arbres en faisant des bonds épouvantés. Je comptai jusqu'à dix et fis feu.




Mario Levrero Labyrinthes en eau trouble. Traduction de Bernard Goorden et San Tewen. Illustration de Tiennick Kerevel. - Bruxelles, Recto-Verso, 177 (rééd. 1986), coll. Ides et Autres (n° 18).

Mario Levrero J'en fais mon affaire. Traduit de l’espagnol (Uruguay) par Lise Chapuis. Préface de Diego Vecchio. Couverture illustrée par Nicolas Dumontheuil. Talence, L'Arbre vengeur, 2012, 176 pages, 13 €
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