Roger Dévigne (1924)

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Roger Dévigne
Sous une arcade de poils hirsutes, la petite flamme de l'œil veille derrière le binocle. Autre touffe de poils, sans point lumineux cette fois : c'est la barre sombre de la moustache. Et tout autour de ces deux taches noires l'ovale ocre de la figure hérissé d'innombrables points de barbe 'qui lui donnent l'àir d'avoir été fabriqué avec du papier de verre à gros grains. Ajoutez à cela un premier aspect dur, bourru presque, et vous évaluerez le degré de surprise de ceux qui, abordant Roger Dévigne, trouvent au bout de quelques instants d'entretien le plus aimable des confrères.
Deux forces contraires l'habitent et se battent en lui : le sens aigu de la réalité et le goût passionné de la chimère. A laquelle cède-t-il ? A laquelle ne cède-t-il pas ? C'est selon les caprices d'une humeur assez indisciplinée. Mais au licol de son trotteur , de son cheval magique comme il l'appelle —: poursuivant la réalité, tinte toujours la légère sonnaille de l'aventure :
Pour la divine aventure
Qui, somme toute, est celle
De la joyeuse, éternelle
Et sainte folie humaine,
Muses, donnez-moi la grâce
De bien me gonfler d'espace
(Evidemment s'il en reste
Après ces messieurs poètes
qui s'en sont fait un régime.)
Avec Colomer, Franconi, Marcotte ne fonda-t-il pas en 1909 La Foire aux Chimères dont on peut dire que le titre a résumé tout le programme ?
Puis c'était en 1910 avec Albert-Jean, René' Bizet, Monique 'et Vaillant-Couturier, Les Actes des Poètes qui n'étaient pas moins éphémères. Après nous eûmes L'Encrier qu'il composait et tirait lui-même sur sa presse à bras, cependant qu'il collaborait littérairement aux Nouvelles, au Radical, à L'Avenir, à La Dépêcha, etc. etc... et publiait ces œuvres personnelles Les Bâtisseurs de Villes (1909). Janot, le jeune homme aux ailes d'or (1919), Le Cheval Magique (1923). L'Atlantide, sixième partie du Monde (1924) et Ménilmontant, qui vient de paraître.
Son art, pareil à un bel arbre, plonge ses racines dans un sol nourri de tous les apports de Ja vie mais son frémissant feuillage baigna dans le ciel. Art de réaliste et d'idéaliste, art profond et subtil tout à la fois, art de poète dont l'inspiration lyrique s'appuie et s'étaye.- pour. monter plus haut. sur toutes les éphémères certitudes de nos provisoires conquêtes sur l'inconnu.
Gabriel Reuillard




Paris-Soir, 5 mai 1924.

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