Victoire la rouge

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Pas de victoire pour la rouge, que de troubles pour Victoire... Dans la tradition du roman réaliste, la romancière Georges de Peyrebrune (1841-1917) donnait en 1883 chez Plon-Nourrit et Cie, un roman marquant, Victoire la rouge qui mettait en scène le tragique destin d'une orpheline placée comme servante à la campagne. Rompue aux travaux difficiles, elle est une force de la nature, ainsi qu'un tempérament candide et soumis dont la vie va faire sa proie.
S'il fallait ajouter quelque argument à la présentation de ce livre, précisons que son auteur, Mathilde Marie Georgina Élisabeth de Peyrebrune Judicis était elle-même enfant naturelle, qu'elle était l'amie de Léon Cladel et que son livre inspira grandement Octave Mirbeau dans la rédaction de son Journal d'une femme de chambre (1900). Tragiques destins ancillaires...
Si on l'a oublié un peu, Peyrebrune contribua beaucoup au féminisme de et dans la presse et fut des premières jurées du prix Femina.
Soyez malins, lisez ça.

— En voilà une bête, pensait la fermière en poussant devant elle le paquet de chair qu'on venait de lui livrer.
Et elle examinait cette drôlesse mal équarrie, courte, large, crevant de graisse, avec de la poitrine plein son corsage et des hanches plein ses jupes. Cela sautait à chaque pas lourd.
Elle lui demanda d'un ton bourru :
— Quel âge as-tu, petite ?
Celle-ci se tourna, leva les épaules et répondit :
— Je ne sais pas.
Son visage était grêlé comme une écumoire ; ses petits yeux bleus, très doux, clignotaient, bordés de rouge. Il lui passait sur le front de grosses mèches courtes de beaux cheveux fauves et drus, que le bonnet ne pouvait retenir.
Jameau avait mené des porcs pour les vendre. Quand ils furent vendus, on retourna au Grand-Change. Le fermier et sa femme sur la banquette de la carriole, la petite fille derrière, dans le parc où les porcs s'étaient roulés dans leur fange. Il n'y avait point de siège; elle s'accroupit, ses jupes dans le fumier. Le nez en l'air, riant des cahots qui ballottaient sa chair, elle ouvrait les narines et trouvait que la campagne, « ça sentait bon ».




Georges de Peyrebrune Victoire la rouge. Préface de Julie Floury. - Montreuil, Talents Hauts, 2020, 240 pages, 7,90 €

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