Du poilu à l'écureuil

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Avant d’être le poignant écrivain des tranchées, Maurice Genevoix fut pour beaucoup d’entre nous l’auteur de dictées harassantes. Parce que riches de déroutantes figures et de vocables bien somptueux pour nos petites têtes d’oisillons. Plus tard, on s’arrêta peut-être — si l’on n’avait pas commencé par ses récits des tranchées — à la figure de l’académicien et à son ''Rabolliot'’ qui pour être leste, preste et malin, n’évoquait tout de même pas les foudres de la modernité. Reste qu’il ne fallait pas en rester là, comme souvent, et aller voir un peu plus loin, là, oui, derrière le bosquet. Ici, parfait.

Je pense avec Maeterlinck que « la simple vie des êtres contient des vérités mille fois plus profondes que toutes celles que peuvent concevoir nos plus hautes pensées.

Ne serait-ce que pour les livres de la guerre, « dans le fracas brisant du tonnerre et les crépitements confondus des lebels et des mausers », Genevoix est un grand écrivain du siècle dernier. Il est empathique et il est doux, il aime écrire et ses phrases chantonnent fort librement, dans des volutes qui, parfois, surprennent presqu’autant que celles d'Audiberti. On y retrouve même, maintenant qu’on a passé l’éponge sur les mauvaises notes qu’il nous avait valu aux dictées, une beauté et un goût formidable.

Un retour, en effet, un cheminement où l’écrivain et l’homme ne sont qu’un. Comme si, veneur de moi-même et dans la forêt de mes jours démêlant mes propres traces, je détournais exprès les yeux de celles qu’ils prennent à présent, si parlantes à leurs regards. « Parlantes », c’est langage de veneur, expressif, savoureux et parfois illuminant. Ce qu’elles me disent ? Seuleement, et cette fois encore : « Rappelle-toi, laisse-toi faire suite. Tes souvenirs sont à leur reposée, tu ne trouveras pas buisson creux. Il n’est que de marcher doucement.

Ceux qui ne voudraient pas réattaquer ce mont par la voie des tranchées béantes et des blessures sanglantes peuvent s’adonner aux Trente Mille Jours qu’il a concocté à la fin de sa vie, et qui avaient paru au Seuil en 1980.Les voici en poche, ces longues années d’écrivain, décrites en larges pans peuplés d’amis, d’inspirateurs et de figures marquantes, de scènes et de moments particuliers. Il y a de quoi pêcher ça et là quelques leçons de vie, comme celle-ci que devrait s’appliquer à chaque instant les critiques littéraires :

Ni l’arbitraire, ni la bêtise n’ont le goût de la vérité




Maurice Genevoix Trente Mille Jours. — Paris, La Table ronde, « La Petite Vermillon », 345 pages, 8,90 €

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