D’un réactif végétal

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Passionnant volume dû à une femme passionnante, la Roumaine Dora d’Istria (1828-1888), belle érudite de l’époque qui séduisit son monde et s’enquit de questions aussi variées que la poésie ottomane et la mythologie des plantes.
C’est ce dernier aspect de son travail qui est réédité par les éditions VillaRrose, lesquelles s’intéressent de leur côté aux écrits sur la nature mettant en évidence les rapports sensuels et intellectuels que les femmes et les hommes entretiennent avec elle.
Dans un article publié par la Revue des Deux Mondes’’, guidé par les travaux de Gubernatis sur la Mythologie des plantes’’ (1879-1882) dont le premier volume venait de paraître, Dora d’Istria soulevait une question que Le Rameau d’or de James Frazer finirait d’éclairer dix ans plus tard : les rapports de la botanique et de la mythologie dans l’esprit des hommes.
Le texte de la Roumaine est passionnant, et riche de connaissances variées. Il est ici prolongé par un texte aussi passionnant de l’historien et ethnologue Philippe Bon sur le développement virgilien de ce paradigme profondément ancré dans la pensée de l’être humain sur le réseau des liens entre le monde naturel et les faits héroïques qui ont marqué les Temps.

La question du « surnaturel face au monde végétal » met immédiatement en présence d’une suite de réalités emboîtées, proche d’un jeu de poupées gigognes.Se présenterait d’abord l’enveloppe la plus vas, celle d’un tableau où le regard suit toutes les cosmogonies et récits légendaires de la mouvance indo-européenne, puisque le texte de Dora d’Istria la nomme et se limite approximativement à cette aire culturelle. C’est en soi un domaine immense où l’on découvre les cultures antiques, gréco-romaine, celte et scandinaves, brahmanique et bouddhiste, chrétienne aussi où les motifs attachés au monde végétal — forêts, arbres, plantes et fleurs —, s’entrecroisent, se correspondent ou se repoussent. Suivrait une figurine de format plus réduit, qui observerait et analyserait la première : à la manière d’un dictionnaire encyclopédique Angelo De Gubernatis venait en effet de publier sa Mythologie des plantes dont Dora d’Istria donnera le compte rendu, constituant par là une troisième matriochka.
Imaginer une dernière figurine, c’est choisir, à partir du texte de l’érudite Roumaine et malgré une taille miniature, de remonter la fresque tout entière en isalant à travers un seul exemple la logique concentrée qui court à travers les faits, croyances et coutumes et qui lui donne son effervescence. Une sorte de clé ou de modeste formule magique qui isolerait l’écheveau et catalyserait l’opacité des récits légendaires, tout en montrant l’importance cruciale du réactif végétal au coeur de cette révélation.
L’Énéide de Virgile pourrait peut-être tenir le rôle de cette ultime figurine, d’autant plus que cette épopée prend son point de départ dnasun autre objet-valise, creux et symboliquement insondable, le cheval de Troie. (...)



Dora d’Istria Le Surnaturel dans l’ordre naturel. Suivi de Philippe Bon, « L’Énéide, labyrinthe végétal ». — Paris, VillaRosa, 14 €

Charles Yriarte Dora d’Istria. — P. idem, 32 pages, 2 illustrations de Cédric Rivrain, 8 € (tiré à part de l’un de ses Portraits de 1870)

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