Moi qui suis au courant de tout dans cette ville sentant le renfermé, et qui n'oublie rien, chaque fois que je passe par l'avenue principale devant un immeuble qui fait l'angle, je regarde pour voir si les traces là-haut au troisième étage près du deuxième balcon, sont toujours visibles. On distingue maintenant à peine quelques replâtrages sur le mure, comme du crépin plus récent, mais aucune couche de peinture n'a pu les effacer tout à fait. Sûr que les locataires actuels ne savent rien de ces taches, peut-être même ne les ont-ils jamais remarquées. D'ailleurs, je doute sérieusement que quiconque à part moi se rappelle quoi que ce soit au sujet de ce balcon. Et, j'en ai peur, lorsque ces taches disparaîtront, quelque chose va m'arriver.
Yòrgos Ioànnou Le Seul héritage, nouvelles traduites du grec par Hélène Zervas & Michel Volkovitch. - Sèvres, Le Miel des anges, 156 pages, 12 €