Louis Roubaud publie un livre (1924)

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Louis Roubaud
J'ai souvent envie de lui dire, quand nous travaillons ensemble, à la même table, trempant nos plumes dans le même encrier, piochant au même paquet de cigarettes : « Arrête un peu de noircir du papier, vieux camarade. Les braves ménagères allumeront bien leur fourneau sans toi, demain matin. Quand on craque une allumette, sous un journal, il prend feu. de toutes façons, tu peux me croire. Alors ? Alors, tu feras ton papier tout à l'heure. Aujourd'hui, j'ai envié de te faire perdre du temps. Je veux te dire toute l'admiration que j'ai pour toi, la fierté que j'éprouve à me mêler à tes travaux, la joie de voir sortir de l'ombre, où tu l'avais toi-même dissimulé, le nom d'un grand écrivain que nous étions trop peu nombreux à connaître.
« Bataille, que nous avons beaucoup aimé l'un et l'autre, et qui te l'a bien rendît, doit en tressaillir d'aise sous les trois cyprès de la colline blanche, où il dort son sommeil de poète. C'est lui qui avait préfacé ton premier livre : Le Rose et le Gris (1), si pudiquement émouvant. Les « 45 » avaient suivi Bataille. Ils avaient couronné Le Rose et le Gris.
« La guerre a passé là-dessus, comme sur tant d'autres choses. Qui se souvient encore des « 45 » ? La mode est au « Goncourt », au « Prix des Humoristes », à celui des « Amis des Lettres françaises ».
« Les modes passent. Seules les œuvres, demeurent. Aujourd'hui, tu te décides enfin à publier un bouquin. Les Cahiers Verts vont le sortir dans quelques jours. Ce sera... Ne proteste pas ! Je t'assure, en toute clairvoyance, que Les Enfants de Caïn sont un grand livre. Tu vois, je n'ai pas prononcé le mot qui te fait peur.
Il n'est plus aujourd'hui, au siècle de la publicité, que les fils du Midi, comme toi et moi, pour garder encore quelque mesure et quelque décence.
« Et maintenant, tu peux écrire ton article pour Paris-Soir. Quand il ne s'agit plus de « littérature », comme disent nos jeunes confrères, tu me laisseras bien proclamer, comme tous tes lecteurs, que. ce sera un petit chef-d'œuvre. »

Noël-Garnier


(1) Louis Roubaud, Le Rose et le gris. - Paris, E. Figuière, 1912.

Paris-Soir, 29 décembre 1924.


Louis Roubaud, à L’Éveilleur :
Démons et déments, 165 pages, 18 €
Prostitution, troublante énigme. Préface de François Forestier, 105 pages, 9,50 €
Un homme nu dans une malle : qui a tué ?, 191 pages, 16 €

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