Mathis remet le couvert

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Deuxième service pour Hector Mathis, qui nous enlève une épine du pied : pour nous, la rentrée littéraire ce sera son ''Carnaval’'. Nul besoin d’aller chercher plus loin.
Ce livre est son deuxième roman. Il est vif comme le premier, sans fard, et plus efficace encore, trop lucide pour n'être gai et dans une langue, mes soeurs mes frères, qui se tient un peu là, farouche mais personnelle, exubérante mais tenue, nourrie d’images épatantes, renouvelée.
On a une papatte ou on n'en a pas. Et des pages remarquables, ma foi, on en compte quelques-unes, notamment lorsque le rétif néanmoins perplexe narrateur s’enquiert du monde qui nous entoure : réussites notables dans un genre très casse-gueule. On a également de l’esprit ou on n'en a pas.
Son roman a de l’épaule et de la cuisse. Loin de traiter d’un sujet à la mode (on vous laisse deviner lesquels) ou de s’étendre sur ces sujets de pleurnicheries pour émouvoir les mémères, Hector Mathis poursuit ce qu’il avait entamé avec Chaos, c’est-à-dire le tableau assombri du paysage au sein duquel évolue la génération Z. En somme, pour elle, on le sait, c'est du ouèbe et de l’eau de boudin. Pour les uns des boulots sans avenir ou des existences sans perspective, et pour les autres des boulots sans salaire et des perspectives sans ligne de fuite. C’est engageant... Tout ça posé dans notre univers, sur de tristes espaces, salopés par des urbanistes sacrilèges et des architectes mauvais comme la gale.

Il était difficile d’y poser une année, à notre ville. Elle n’était d’aucune époque. Elle n’avait rien de moderne. Tout son moderne n'était que l’idée que s’en étaient fait des architectes disparus et qui s’étaient visiblement trompés.

Affublés des divers bagages que leur a fournis la vie, les personnages de Mathis arpentent leur destin et n’y comprennent goutte, normal, quoique, à l’occasion, s’en révoltent avec joliesse. Le héros du roman, Sitam, doit compter, lui, sur la maladie et une excitation profonde, signe que cet être troublé sait son temps certainement amoindri. Reste, conséquence, l’idée ancrée de laisser sa trace, si c’est encore possible sans perdre son sens de l’humour et sa légèreté.
Restent encore les souvenirs, les copains et ce fichu jeu de hasard que constitue l’existence. Aux uns les lustres, aux autres les ombres.

On se marrait fort, tous les cinq. On savait se disputer aussi. Pour ça j’étais gâté. On s’est retrouvés dehors continuellement. Vagabonds. Nés dans un monde en fin de vie, le nouveau nous avait disloqués avant la dizaine. Un des siècle les plus ponctuels qui soient, le vingt et unième. Sonné un onze septembre ! Pour la rentrée scolaire ! Un an à peine après le nouveau millénaire. Siècle d’image, il ne s’agirait d’ailleurs plus que de ça. Sauf pour nous, englués dans un réel que tout le monde ignorait. Que personne n’habitait. Il n’y avait qu’à voir les rues la nuit. On était seuls.

Le constat est sans appel.

Y en a de plus en plus, des croque-poussière dernier degré. Voilà qu’ils peuplent la capitale à intervalles réguliers. Les trottoirs ne sont plus que ça. Les trottoirs... ces tartines de misère. Qui s’étalent jusqu’au périphérique. De boulevard en parvis. Devant les étals de viande, les supermarchés de quartier, les librairie. Tiens, justement, en voilà du bouquin ! La Quantité ! C’est pas croyable autant de romans. J’en ouvre pas mal, régulièrement. Sont tous pareils. A peu de chose près... Je suis peut-être vilain. C’est dû à mes obsessions. Avant je rêvais que d’une chose : la publication. Je pensais qu’à ça... Tremper de joie mon petit cul de scléreux, tout ému jusqu’à la nouille d’être enfin reconnu pour la plume. Maintenant je veux y foutre le feu à la littérature ! Ils verront quand j’aurai réussi mon coup !

Avec cette autopsie d'une vertige, c'est tout vu .




Hector Mathis Carnaval. - Paris, Buchet-Chastel, 224 p., 16 € En librairie depuis le 20 août.



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