Les Étrangleurs

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Les Étrangleurs
Le Tigre de la Malàisie, en entendant le cri qui venait du côté de la rivière, s'était vivement élancé dans cette direction, suivi d'ailleurs par Yanez et Trémal-Naïk.
Sa première idée fut que des Sectaires de Baimahgol avaientsurpris un de ses hommes, qui parlaient tous très bien l'anglais.
La course du formidable pirate fut si rapide qu'en quelques secondes il eut dépassé les groupes d'arbres qui le séparaient du canal, et laissé loin derrière lui ses deux compagnons, si agiles qu'ils pussent être.
A la blême lueur de la lune, qui depuis .une heure environ rendait la nuit moins obscure, il aperçut cinq hommes à demi nus, la tête couverte d'un petit turban jaune, qui traînaient au bout d'une corde quelque chose qui se débattait et dont il ne put déterminer la nature, parce qu'elle disparaissait dans les herbes.
Sans hésiter un seul instant, le vaillant capitaine se précipita vers ces hommes, en leur criant d'une voix menaçante :
« Arrêtez-vous, coquins, ou je vous fusille comme des chiens enragés. » .Sans prononcer un mot, et par un mouvement rapide, ils s'étaient rangés en demi-cercle, comme s'ils avaient l'intention d'entourer Sandokan; puis, l'un deux avait développé une bande de toile noire au bout de laquelle était fixée une balle ou une pierre, et la fit tournoyer dans la direction du capitaine.
Mais celui-ci n'était pas homme à se laisser surprendre. D'un bond il esquiva cette périlleuse manoeuvre ; puis, pointant sa carabine, il fit feu sur l'homme à la bande de toile, tout en criant :
« A moi, Yanez ! A moi, Trémal ! »
L'homme, frappé en pleine poitrine, tomba la face contre terre, sans pousser un cri.
Les quatre autres, qui ne Semblaient nullement effrayés par ce coup de maître, S'apprêtaient à se précipiter sur Sandokan, lorsqu'ils entendirent derrière eux un rugissement aigu, qui arrêta net leur élan.
C'était Darma, qui, pour secourir l'ami de son maître, arrivait en faisant des bonds énormes.
« Prends-les, Darma, prends-les ! » lui criait d'ailleurs Trémal-Naïk,
Les étrangleurs, voyant approcher la terrible bête, tournèrent aussitôt les talons et se précipitèrent dans le canal, encombré en cet endroit d'une quantité de plantes aquatiques, qui les dérobèrent aux regards de Sandokan.
Le tigre avait aussitôt couru vers la rive, mais trop tard pour pouvoir saisir un de ces misérables, à qui la peur semblait avoir donné des ailes.
« Ce sera pour une autre fois, mon brave Darma, dit le Bengalais ; l'occasion ne te manquera pas. »
En ce moment, Yanez et Trémal-Naïk arrivaient près de Sandokan.
« Partis? dirent-ils ensemble.
— Je ne les vois plus, répondit le pirate ; la venue subite de Darma a suffi pour qu'ils renoncent à venger leur camarade.
— C'étaient des thugs, n'est-ce pas? dit Trémal-Naïk.
— Je croirais pouvoir l'affirmer, puisque l'un d'eux a voulu lancer son lasso sur moi....



Emilio Salgari Les deux tigres. Second épisode des "Pirates de la Malaisie". Traduit par . - Paris, Librairie Ch. Delagrave, 1907.

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