L'Alamblog

Le Rédacteur (veuf) aux Travaux publics
dont feue la dame est mort en couches
avec son cache-nez de laine sur la bouche
et son coeur en deuil sous son portefeuille
et son parapluie à sa main gantée
et son mal aux reins dans sa chair chronique
pince les genoux devant la baraque qui fornique
et tâte au traverse de sa cuisse mince

la grasse minceur d’un peu de monnaie...




Toute la maison bourgeoise
fait l’amour sur ses épaules :
c’est le trottoir que les « moeurs »
enverront à St-Lazare

Toute la maison bourgeoise
du coin a fermé les yeux ;
mais sous ses jupes pudiques
tant de doigts fourragent.

Toute la maison bourgeoise :
du premier dans on « moderne »
jusqu’au cinquième Henri II
— et le concierge à la cave

et les larbins sur les toits —
Toute la maison bourgeoise
(et les chats dans leurs gouttières)
fait l’amour sur Toi !

***
Elle est aux pieds de l’Amour
à hauteur de chien :
Les chiens s’accouplent le jour.

***
Toute la maison bourgeoise
use le dos de la fille.
QUand le premier a fini
c’est le second qui commence.

L’oeil d’un étage s’éclaire

d’une lueur chavirée
quand l’autre joint ses paupières
sur le bonheur de la terre
qu’il veut capitaliser

Comme aux vanteaux (sic) des cuisines
un pauvre lèche une odeur
au visage de la fille
le ruisseau jette en bouffées

les sueurs de mille aisselles
où du poil reste accroché.

*** Elle est le socle du Rut.
Les chines pissent sur le socle,
— pluie de chien sur socle froid —
qui demandent aux poubelles
comme la fille au trottoir,
comme l’ivrogne à la fille

pour leurs faims charnelles,

un os à ronger, un sexe,
— intervertissez les rôles :
un sexe, un os à ronger —

les chien sen bouchant leurs nez,

l’ivrogne en fouillant du sien
dans l’égoût prostitué,

la fille en ouvrant un ventre
que rien ne saurait fermer !



Noël Garnier Place Clichy, poèmes illustrés de 6 bois gravés d’après Georges Aucouturier. — Paris, Editions « Clarté », 1922, « Les Poètes de Clarté » (n° 2).