Ascenseur, piano et chauffe-bain

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Nous habitions, mon oncle César et moi, une maison fin de siècle dans un quartier bourgeois proche de la place Pereire.
Les images de l'enfance sont impérissables.
On oublie moins facilement un balcon donnant sur l'angle d'une rue, que les chambres solennelles des adultes. Pour narguer le vertige, je glissais ma tête entre les barres étroites du balcon. Il y a avait un ascenseur enchevêtré de poulies, glougloutant de bruits hydrauliques et capitonné de velours rouge.Enfermé dans cette cellule pour fous, je craignais que cette boîte close et suspendue s'arrêtât entre les étages et que personne ne m'entendit appeler. Beaucoup de gens venaient chez mon oncle. Ils n'existaient pas pour moi. Il y avait une salle de bains receleuse de tubes, de pots ventrus et de bouteilles interdites. Le chauffe-bain éclatait comme un ballon. La flamme sentait mauvais. Il ne fallait pas s'en approcher. Seule, Elsa, une bonne amie de mon oncle, connaissait le secret de cette arme capricieuse. C'est, peut-être, une des raisons pour lesquelles César la supportait de bonne grâce. Mon oncle donnait des leçons de piano. C'était terrible.
(...)



Jean Claudio La Saison chaude. — Paris, Calmann-Lévy, 1953.

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