Trois gouvernantes à leur poste

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Discrète peut-être, Anne Serre n'en est pas moins traçante. Pour dire les choses lestement. Comme une fusée lumineuse, en quelque sorte. D'abord sourde, elle monte puis fuse, tout à coup. Ce n'est pas d'Hexagone que, peut-être, on s'en rend le mieux compte. Il faudrait pouvoir fréquenter une librairie new-yorkaise pour apprécier les piles de ses romans traduits et observer les lettré(e)s d'outre-atlantique s'en saisir.
Un éditeur français, lui, n'a pas relâché son attention, c'est Patrick Beaune de Champ Vallon. Séduit depuis longtemps, et parmi les premiers, par les proses d'Anne Serre, il réédite son premier ouvrage, Les Gouvernantes, avant que ne fusent, elles aussi, les demandes de passage au format de poche. Il n'est pas fou.
Oh, oui, un jour viendra où les officines et la librairie françouaise s'apercevront qu'Anne Serre n'est pas la première venue.
Afin de vous allécher - ne croyez pas qu'on va tout vous expliquer à l'oeil —, voici les lignes qui ouvrent Les Gouvernantes, roman de 1992 à la couverture renouvellée et remis à l'office :

Leurs cheveux serrés dans des résilles noires, elles viennent par l'allée en conversant au beau milieu d'un grand jardin. Autour d'elles, de jeunes garçons gambadent, piaffent, poursuivant des cerceaux sous les arbres. L'une des deux femmes tient un livre contre sa poitrine. Elle a glissé le doigt entre les pages et appuie son menton sur la tranche. La tête à demi baissée, elle semble rêveuse tout en parlant. Le cuir de ses bottines jaunes, luit, fouette les herbes du talus puis resurgit comme un lièvre affolé. L'autre femme serre l'une contre l'autre deux petites mains vaillantes sans bagues ni bracelets, sans autre ornement que des manches tendues sur le poignet par dix boutons de nacre.



Anne Serre Les Gouvernantes. — Seyssel, Champ Vallon, 118 pages, 15 €


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