Le nonchalant Zavie se rend à Bagdad

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Sous les Murs de Bagdad
(par Emile Zavie)

Certains jours on rechigne à suivre dans les dancings nos jeunes romanciers pour les entendre raconter d'étranges histoires sur les femmes vertes et les hommes jaunes qui, sous les changeantes lumières et au son des musiques barbares, s'y trémoussent. Nous souhaitons alors d'autres décors, d'autres récits ; il nous faut de l'air, de l'espace, de beaux paysages inconnus. Une très grande joie ce serait, par exemple, de partir avec des compagnons pour la plupart gais, aimables, intelligents que, de bonne foi. nous aurions pris d'abord pour des voyageurs de commerce ou de savants archéologues mais en qui, peu à peu, à certaines attitudes, à certains mots, nous finirions par soupçonner d'énigmatiques agents envoyés, au risque de leur vie, en de secrètes missions où, passionnément, nous nous efforcerions de voir clair.
C'est à un voyage de ce genre que nous sommes invités par M. Emile Zavie. Nous nous embarquons un soir, à Marseille, sur un petit cargo japonais où, tout de suite, nous ferons connaissance avec Blaze Romerdy, Louis de Prénonne, Williams Lecharrier, Christian Dallène, Sartigues, Rives-Ribière, Constantin de Henne. Le bateau lève l'ancre, on part pour l'Egypte. En route, nous nous apercevons de choses bizarres nos compagnons semblent se surveiller les uns les autres. Prénonne est un sot qui prend des allures de chef ; de Tienne est antipathique ; Christian Dallène, qu'on nous a présenté comme un orientaliste, n'est autre qu'une jeune fille qui, sous un déguisement masculin, prétend fuir un fiancé qu'on lui veut imposer. Pendant tout le voyage cette femme suscitera les convoitises plus ou moins apparentes de tous ces hommes par ailleurs si sûrs d'eux-mêmes. A Port-Saïd, les. autorités britanniques interdisent au Français du bateau de descendre à terre, mais, quelques heures plus tard tout le monde se promène dans la ville. Romerdy fait la connaissance d'un certain Lucien Lemans, un Français arrivé par le précédent courrier et voici que Prénonne prétend l'emmener avec les autres à Mossoul. On part. On arrive à Bassorah. Inquiétudes. La route n'est pas sûre. Le désert est rempli de pillards. On ne campe qu'avec d'infinies précautions. Une nuit, des coups de feu... Des pillards, sans doute, à moins que... La nuit suivante, Lemans est tué. Lecharrier trouve dans le portefeuille du mort une lettre où sont dénoncées aux Anglais « les intentions » des Français. Etait-ce un traitre ? Lecharrier et Romerdy trouvent dans leurs propres bagages des lettres semblables... Quelqu'un les a donc condamnés à mort en prenant la précaution de les faire passer pour des traîtres. On arrive sous les murs de Bagdad. Là, de Henne, malgré son habileté et son audace, est enfin démasque et tué. C'est pour lui, en réalité, que tout le monde est venu en Mésopotamie, sans le savoir, sauf Lecharrier et peut-être Dallène. Ce de Henne jouait double jeu : il travaillait pour nous mais nous vendait à nos rivaux. Lecharrier, chargé de le surveiller, a fait mieux, puisqu'il est arrivé à nous en débarrasser.
Il faut lire ce très intéressant roman avec lenteur car rien n'y est inutile et très facilement on s'égare en ces menues actions sous lesquelles l'auteur, avec un art étonnant, a établi la trame solide de l'action. « Du paysage, l'essentiel ; des mœurs, ce qui nous paraîtra singulier; du tragique intime qui se joue au secret des âmes, ce. qui nous en sera révélé. nous dit M. Emile Zavie en son « invitation ». Il a tenu sa promesse et à l'accompagner sous les murs de Bagdad, nous ne regretterons pas notre voyage. - (Renaissance du Livre.)
M. C.


Les Nouvelles littéraires, 2 juin 1923.


Illustration du billet : Les Nouvelles littéraires, 28 avril 1923, p. 6.

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