Le Mal de terre
par André de Richaud
Encore un excellent Richaud. Dans ces six nouvelles, dont trois se détachent particulièrement, il nous donne une fois de plus la mesure de ses donc de poète-conteur, habile à passer, avec une apparente nonchalance, du burlesque au tragique et du terrible au merveilleux. La plupart tiennent du conte de bonne femme par leur donnée qui frise le surnaturel, ou plutôt le diabolique. Il y a un somnambule sur la poitrine duquel apparaît, à certains yeux et à certaines heures, l'itinéraire par lequel on peut atteindre un trésor ("Le Tatouage"). Il y aune vieille femme sujette à de terribles crises de ce mal magique que les médecins nomment épilepsie ("Le Mal de le terre"). Il y a un gentil mécano qu'une prédiction, jetée au hasard par une voyante de foire, conduira jusqu'à la guillotine avec une sûreté de tragédie antique ("Zézé").
Or on a peine à ne pas croire à ces fables ne lisant Richaud. D'autant qu'il nous présente son mont Ventoux, qui domine tout le volume de sa masse impressionnante, comme un lieu fécond en sortilèges. Certes, la Provence n'a pas cette terre toujours riante qu'on imagine. Et quelles nuits extraordinaires ! Je ne connais que Julien Green qui sache aussi bien que Richaud aujourd'hui évoquer les ténèbres ou un clair de lune. Et s'il me fallait citer, parmi l'équipe des écrivains qui débutaient dans les lettres aux environs de 1930, trois ou quatre noms de prosateurs maniant aussi somptueusement que lui la langue française, je serais fort embarrassé. — (Charlot, collection Fontaine.)
Gabriel d'Aubarède
André de Richaud Le Mal de la terre. - Paris, Charlot, 1947, coll. "Fontaine" ; rééd. Cognac, Le Temps qu'il fait, 1985, 144 pages, 11 €