Les mille et un périls de la routine

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Columbus n'a jamais produit d'aventurier de premier plan dans la tradition conradienne. Quelques natifs de cette ville se sont révélés assez doués pour disparaître plusieurs jours, avant de refaire surface dans un hôtel de Louisville avec un sérieux mal de crâne et sans la moindre idée de la façon dont ils ont atterri là ; mais ils s'empressent d'aller retrouver leur épouse et lui servent une histoire à dormir debout : ils ont complètement perdu la mémoire ou ont dû se rendre de toute urgence au congrès annuel de la Confrérie des Aigles.
Bien entendu, même pour le lord Jim de Conrad, toute tentative de fuite fut vaine. L'ombre particulière de la malchance s'attacha à ses pas comme un jeune chie, quels que fussent les vaisseaux à bord desquels il monta ou les territoires sauvages où il posa le pied. Sur les chemins entre le bureau et la maison, et entre la maison et le foyer des gens installés, les mille et un périls de la routine sont toujours tapis, prêts à vous sauter à la figure, périls auxquels il n'est pas possible de ses soustraire en prenant la tangente à l'improviste, en changeant brusquement de direction. EN Martinique, alors qu'avait retenti le coup de sifflet appelant les touristes à regagner le bateau, j'eus un bref moment de révolte, tout à fait délicieux, quand je pris la décision de ne pas retourner à bord. Je finis quand même par y retourner. Pour m'apercevoir que quelqu'un m'avait fauché mon pantalon de smoking.




James Thurber Ma chienne de vie, traduit par Jeanne Guyon. - Paris, Wombat, 2018, "Les Insensés", 131 pages, 15 €


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