La fleuriste

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Belle et audacieuse anthologie de la poésie symboliste bulgare aux éditions du Soupirail.
Pour vous en donner une idée, au fil des jours, un poème par poète retenu.
Leurs noms ? Pentcho Slaveykov, Ivan Andreytchine, Peyo Yavorov, Dimitar Boyadjiev, Teodor Trayanov, Sirak Skitnik, Ven. Tin., Ekaterina Nentcheva, Nikolaï Liliev, Emanuouïl Popodimitroc, Dora Gabé, Dimtcho Debelianov, Christo Yassenov, Christo Smirnencki. Aujourd'hui, ce poème de Christo Smirnenski (1898-1923) :


La fleuriste
Ce soir le mont Vitocha est si énigmatique et tendre
telle une île violette dans les eaux argentées de lune
et sur sa crête floue, désespérément souffrantes,
de pâles étoiles d'autonme fondent en une fine brume.

Enorme et suffocante, ayant caché en son sein de granit
des milliers d'âmes brisées, la ville en fête s'assoupit
et, sous une cape de lune, avec un étrange murmure,
elle narre les récits inconsolés d'une mascarade de toujours.

Or, dans la rue bruyante, sous des guirlandes électriques,
voici la petite fleuriste pressée qui fait le tour des troquets
dont les orchestres déversent des sons égaux et rythmiques
d'où semblent sourdre une peine et un chagrin cachés.

Avec les yeux humides et troublés d'une nymphe exilée,
elle avance entre les tables et elle étale ses produits :
des chrysanthèmes dorés dans un petit panier coquet
et une humble sourire sur ses lèvres couleur rubis.

Sur son corps svelte, sur sa jeunesse fleurie, glissent,
tels des tentacules noirs, des regards de tous côtés
et dans les sourires ironiques jaillit la fâcheuse idée
que les fleurs s'achètent et que c'en est une exquise.

L'orchestre pousse un soupir, les accords plaintifs tombent,
s'éteignent, se taisent, puis d'une signe convenu éclatent,
s'envolent tout haut, fiers, courageux, désinvoltes,
et redescendent en douceur telle une neige délicate.

Mais d'une table à l'autre la fille aux cheveux dorés
et au regard morne et confus étale sa petite bannette
et, énorme et suffocante, cachant en son sein gelé
des milliers d'âmes brisées, la ville de pierre guette.



Krassimir Kavaldjiev (dir.) Des âmes vagabondes. Anthologie de poètes symbolistes bulgares. Choix des poèmes, notices et traduction par Krassimir Kavaldhiev. Avant-propos de Werner Lambersy. Postface de Yordan Eftimov. — Le Soupirail, 2020, 25 €




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