Les Tortues (chapitre II)

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Nous étions seuls sur la rade à part quelques chalands pesamment amarrés, solitaires eux aussi,confinés chacun à son lagon d'eau morte. La mer était plate, absurde dans cette fin de jour. De rares oiseaux marins vaquaient encore, mais sans cris et sans querelles, eux si batailleurs d'habitude — me pénétrant de gêne : comme s'ils n'étaient pas du monde vivant, ceux-là, comme s'ils venaient après le coucher de leur congénères diurnes du monde du silence et de la mort et que la jeune nuit les délivrait, en préface à ses maléfices quotidiens. Le temps était franc de toute hypothèque de nuages qui auraient pourtant donné quelque réalité à ce ciel où les étoiles ne se montraient pas encore ; c'était l'époque de la jonction du soleil et de la lune où soir ni aube ne sont pleinement eux-mêmes, où il y a ce lent mariage au-dessus de nous — et en nous des humeurs contrariées,soudain accordées, des deux astres — ces épousailles maladives,prometteuse d'on ne sait quel imprévu.
(...)





Loys Masson Les Tortues. — Talence, L'Arbre vengeur, 2021, « L’Alambic », 306 pages, 17 €

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