Les Tortues (chapitre VI)

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Le mouvement du flot et le poids de l'air au-dessus et la vie de la grande odeur salée elle-même ne sont jamais semblables par le noir et par la lune. Vous le sentez bien, vous, habité par élection de cette vieille, exigeante mer ; et vous sentez la lune de ce fait avant qu'elle ne soit là. Il y a quelque chose sous la quille de moins balancé, une tendance de l'océan à la précipitation, au jeu ; et dans l'espace c'est un furètement continu de cet air demi-tiède. Il vous tend les nerfs. il vous agace d'invites. Il vous promène sur la peau un petit couteau fin enveloppé d'une soie. Heure après heure maintenant la métamorphose ambiante se précisera et la vôtre y répondra jusqu'à une sorte d'éclatement tranquille... On pourrait, aujourd'hui encore, me tenir à fond de cale ou me bander les yeux, je dirais sans crainte de me tromper : "Voilà, la lune commence à échancrer l'horizon", ou bien : "Non, elle est à plus d'une heure de son lever..." Cela m'est aussi naturel que la marche dans mes collines. Et tout comme le goéland aveugle, même séparé de ses compagnons, connaît l'heure où la marée vient découvrir son trésor de vase nourricière
(...)





Loys Masson Les Tortues. — Talence, L'Arbre vengeur, 2021, « L’Alambic », 306 pages, 17 €

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