Le Petit Poète publicitaire

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Joli travail de Grégory Haleux pour ses éditions de L'Ethernité, qui poursuivent leur historique du petit poète à travers les âges en rééditant le roman de Victor Snell, Zibeline ou le Hasard heureux (La Renaissance du livre, 1912) où il est question d'un poète en attente de gloire, d'une modiste modèle (une véritable "petite anthologie"), de quelques spécimens de la gent masculine et, plus généralement de la vie de bohême des années 1910. Empaquetée agréablement par l'éditeur avec son apparat de notes sans appel et d'une postface biographique nous rappelant qui sont Victor Snell (1874-1931) et son éditrice d'épouse Juliette — eh oui. Les amateurs de vieilleries papetières ont tous vu passer un jour ou l'autre les références du meilleur ouvrage de Snell, son Jardin de Marrès (Ollendorff) où, en 1916, il se payera sous le pseudonyme de Bérénice la tête du patriote à roulettes Maurice Barrès confit dans ses paradoxes (l'individualisme versus le collectif national) et son vatenguerrisme fort généreux — de la vie de ses concitoyens.
Pour l'heure, avec Zibeline, Snell prenait la vie du côté drôle, comme ses concitoyens helvètes et ses collègues français. Exilé en France après des histoires pas claires (on en parlera bientôt), Snell devint un journalisme de gauche réputé, premier secrétaire du Canard enchaîné après la guerre, mais aussi collaborateur de l'Humanité ou de Floréal, préfacier pour La Connaissance de René-Louis Doyon, etc. Il disparaîtra comme ça, paf, un soir de 1931. Son petit roman, typique du feuilleton sans ambition démesurée, autre que celle de détendre les lecteurs, aura eu le chic pour évoquer la production kilométrière de la poésie publicitaire, un truc d'époque dont Marc Angenot avait évoqué les beautés autour du Savon du Congo. Ici, tout y passe, et on vous laisse deviner quelles productions d'alors, bien oubliées depuis... Leçon de chose :

- Jusqu'à aujourd'hui, expliquait Doussemèze, le quatrain-réclame est demeuré dans la plus écoeurante banalité ! Des gens sans talent, de pauvres pions en rupture de pupitre, d'ignares journaleux sans sous comme sans rimes, s'imaginent qu'il suffit d'aligner quatre vers quelconques sur un produit alimentaire ou industriel, et que cela fait un quatrain-réclame... Enfants !... C'est comme cela que la deuxième page des journaux est encombrée de productions informes, saumâtres, et dénuées de sens !... Le quatrain-réclame, vraiment digne de ce nom, doit se distinguer par une fine allusion littéraire, une pensée touchante et poétique, contenir une allusion au fait du jour, une épigramme malicieuse et de bon goût, ou un "à-peu-près "inédit... Ou encore revêtir la forme charmante de la fable-express que des imprudents ont si fâcheusement galvaudée.



Victor Snell Zibeline ou Le Hasard heureux. - L'Ethernité, 2021, 258 pages, 22 €

Prochainement sur l'Alamblog une Petite Bibliographie Lacunaire de la société d'édition de Juliette Snell et son époux Victor.


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