Les Tortues (chapitre XII)

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C'était donc la quatorzième nuit de ce voyage terminal de la Rose de Mahé... Des étoiles que la pureté renouvelée de l'air rendais presque fixes brillaient maintenant, passé le creuset d'orage, nous dominant, nous flanquant de toutes parts sauf du côté du sud — des nébuleuses comme des chevelures de saintes ou souffle des bûchers, et ces grands astres sombres près de mourir en la voûte qu'on ne situe qu'à un frissonnement de la profondeur. Le sud lui-même, libéré, s'éclaira enfin. Un peu de l'angoisse quitta mon a^me. Les travaux de réparation de l'enclos, plus endommagé qu'on n'avait cru, avaient commencé depuis longtemps et les marteaux sonnaient un étrange noctrune. Ils se poursuivirent jusqu'à trois heures. Debout au milieu de ses charpentiers, le capitaine Eckardt paraissait ignorer mon absence. Je me disais : "Il a peur que je parle du chandelier aux matelots ; il préfère que je reste à l'écart. Il a peut-être même peur que je me décide à l'interroger, comme il a bien senti que j'en étais tenté tout à l'heure. Il a besoin de s'illusionner, de se persuader que l'orage lui a joué théâtre et à lui seul. Si je m'avance soudain : Capitaine, j'ai vu comme vous... tout croule ; c'est bien la sainte ordure qu'il évoquait, l'annonce de l'imparable malheur — autant se saborder tout de suite.
(...)





Loys Masson Les Tortues. — Talence, L'Arbre vengeur, 2021, « L’Alambic », 306 pages, 17 €

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