Les Tortues (chapitre XV)

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L'année de mes onze ans, la peste eut ses yeux mappemondes ouverts trois mois sur ce pays. Ce fut sa dernière visite. Elle venait de l'Inde comme tous les choléra, typhus, fièvre jaune qui abordaient ici plus ou moins régulièrement avant qu'on ne les ait jugulés au goulet même de la rade, dans le lazaret blanc dont les vagues viennent lécher les fondations par gros temps. On pouvait à ses ravages suivre le chemin qu'elle prenait : nord-ouest à partir du port, en une étrange ligne droite, vers les hauteurs (et qui dont eût donné tort aux vieux Noirs d'évoquer à son propos le surnaturel ?) Elle bivouaqua une semaine, dix jours, dans les collines, au soleil de la fin d'été, avec une nette atténuation, de sorte que beaucoup la croyaient à son terme, assez gorgée pour s'en aller. Puis elle ralluma soudain ses brandons et les dispersa ; il y eut cinquante, cent pestes, tout à chaud, rapides comme des coups de fusil, si vives et brusques que toute parade semblait impossible. La géographie de souffrance se brouilla. Le pays haletait sous ses roches et ses feuillages...
(...)





Loys Masson Les Tortues. — Talence, L'Arbre vengeur, 2021, « L’Alambic », 306 pages, 17 €

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