Les Tortues (chapitre XVI)

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C'était la nuit du lendemain. Je n'avais pour ainsi dire pas dessaoulé depuis la veille — sur le pont, presque à la même place ; et nul ne s'était soucié de moi... Je surnageai enfin. Il n'y avait d'étoiles — quelques-unes avares et grises — que dans l'Ouest. L'oage couvait dans la hauteur, se plumant déjà de pluie quelque part ; car il ventait frais... J'avais rêvé de Maccaïbo. Dans mon rêve il ne cherchait pas à se venger de moi ; il me souriait. Dieu lui avait refait sa tête et n'était-ce pas une preuve que j'étais pardonné ? Il avait entre les bras un monceau d'objets d'or, et des anneaux d'or aux oreilles. SUr son front la variole était une étoile rouge. Elle drainait toute la violence de variole ici, aurait-il, nous étions sauf. Je lui voyais les plaies des trois balles que je lui avais tirées, et un peu de sang comme un semi s de rubis. Il était notre Christ noir ; il nous apportait la Rédemption. Nous arriverions au trésor de Vahély, il me l'affirmait ; nous serions riches et heureux. Il était doux au possible. Très grand, tel que dans sa réalité, mais comme affiné. Il avait de larges gestes qui se prolongeaient dans le dessin des vergues. Adieu, adieu ! Il était parti avec une royale lenteur ; il avait disparu sur l'arrière. Pour m'indiquer peut-être, symboliquement, qu'il ne hanterait pas mon souvenir ? Peut-être ?...
(...)





Loys Masson Les Tortues. — Talence, L'Arbre vengeur, 2021, « L’Alambic », 306 pages, 17 €

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